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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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10 mai 2023

ELOGE DE LA FOUDRE : Héraclite

 

Ta dè panta oiakizei keraunos - Héraclite, fragment 64 : Toutes les choses la foudre les gouverne. On pourrait dire, évidemment, la foudre gouverne toutes choses, mais, si le sens est le même, on perd le rythme poétique, la métrique de la formule.

Dans la mythologie c'est Zeus qui porte la foudre, symbole et agent du pouvoir souverain. De Zeus on peut dire en effet que par la foudre il gouverne les dieux et les hommes, mais il ne gouverne pas tout, il dépend d'un pouvoir encore plus haut, le Destin qui préside à la distribution des lots.

Dans un épisode célèbre Zeus s'éprend d'une mortelle, Sémélé, à qui il ne peut rien refuser. Alors qu'il lui apparaissait chaque fois sous des formes différentes, elle lui demande d'être enfin tel qu'en lui-même, de se manifester dans sa gloire et sa splendeur. La malheureuse, devant le dieu apparaissant, foudroyée, mourut. Zeus lui retira l'enfant qu'elle portait (Dionysos) et le plaça dans sa cuisse avant qu'il ne naisse une secone fois.

Il faut bien voir que Héraclite ne se situe absolument pas dans la perspective du mythe. Il s'agit plutôt d'un détournement du mythe. Aucun dieu ne tient la foudre. De plus il dit que la foudre "gouverne toutes les choses" donc tous les étants, dieux y compris. Il exprime ce qui lui semble la loi fondamentale qui gère le cosmos, dans sa totalité. Mais pourquoi la foudre ? La puissance de la foudre est au delà de toutes les puissances, c'est la puissance absolue. La foudre brise et déchire, éclaire et éblouit, elle change les rapports, bouleverse les ordres, condense et précipite le mouvement. Elle sépare, ouvre des brèches, elle révèle le multiple, mieux elle le glorifie dans la splendeur de l'apparence. Elle détruit mais aussi elle engendre, elle apporte le feu aux hommes. La foudre est le feu du ciel, non d'un ciel mythologique, mais du ciel bien réel, celui des nuages, des orages, de la pluie : de l'eau et du feu. Parmi les éléments, la terre, l'eau, l'air et le feu, c'est le feu qui est, plus que les autres, "gouvernant" au sens du gouvernail qui détermine la direction du navire. Reste évidemment que pour nous cette conception héraclitéenne du feu est infiniment problématique.

Quoi qu'il en soit, Héraclite inaugure une nouvelle manière de penser, qui se verra confirmée chez Parmenide et Empédocle. Si l'on utilise encore des noms et des symboles de l'époque archaïque où fleurissait le mythe, dorénavant ces mots et ces symboles expriment tout autre chose. On parlera encore de Thémis, de Dikè, de Philia, de Neikos, de Zeus ou d'Athéna, mais ce ne sont plus des personnages, ce sont des notions de plus en plus précises, ce ne sont pas encore des concepts, disons : des métaphores vivantes qui conservent à jamais une résonance poétique inimitable.

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