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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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17 mai 2023

UNE EXPERIENCE DE VERITE

 

Saint-Simon écrit dans ses Mémoires : "Ecrire l'histoire de son pays et de son temps (...) c'est se montrer à soi-même pied à pied le néant du monde, de ses craintes, de ses désirs, de ses espérances, de ses disgrâces, de ses fortunes, de ses travaux ; c'est se convaincre du rien de tout par la courte et rapide durée de toutes ces choses, et de la vie des hommes".

Dans un style à la fois flamboyant et ramassé tout est dit : vanité des vanités !

Ne dites pas que ce ne n'est là que l'expression désabusée d'une humeur mélancolique et résignée, non point, c'est la vérité même, dans le vif de son tranchant. Notre cher duc aura suffisamment hanté les cours, partagé les intrigues, se prenant soi-même au jeu pour espérer, désespérant de gagner quelque faveur, renvoyé pour finir à ses chères études - pour notre plus bonheur ! Il aura conquis un savoir par l'expérience directe et l'observation d'autrui, suffisamment pour énoncer ce que tout le monde sait et refuse de savoir. C'est à cette aune que nous reconnaissons le poinçon de la vérité.

Le propre de la vérité c'est de nous saisir d'un bloc. Que l'on m'autorise un petit apologue. J'avais dans les quatorze ans, je pédalais mollement sur mon vélo, je rêvassais à je ne sais quoi quand soudain cette pensée m'empoigna tout entier : il n'y a jamais rien de parfait en ce monde, quoi que l'on fasse le négatif côtoie nécessairement le positif". Idée banale direz-vous, mais elle ne l'est nullement pour un gamin de quatorze ans qui aimerait bien croire qu'il existe de sublimes perfections dignes d'être recherchées et courtisées. Si je m'en souviens encore aujourd'hui, plus de soixante ans plus tard, c'est que cette réflexion s'accompagnait d'un frémissement de tout le corps, d'une sorte de trouble émotionnel, d'un tremblement - que je retrouverai plus tard dans des expériences analogues, comme le signe patent d'une découverte majeure, à la fois personnelle et universelle. C'est par là que l'on dépasse la simple opinion : ce qui est vécu là, et compris, ne s'épuise pas dans le subjectif d'une idiosyncrasie singulière, mais porte, par extension, une leçon universelle.

Lorsque Saint-Simon parle du "néant du monde" il semble exprimer une opinion - et à ce niveau on peut discuter, disputer, réfuter. Mais il ne s'agit pas d'une opinion : il est irréfutable que tout ce qui existe, "le monde" du pouvoir, des intrigues, des alliances et mésalliances, des conflits, des guerres et des amours, tout cela s'en va selon la vitesse du temps. Tout lasse, tout casse, tout passe, et effectivement cela ne fait jamais qu'un "rien de tout", en tout un rien, comme le ver dans le fruit, le "ver irréfutable".

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Rien de tout= ri en tout = ri de tout.
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