Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 634
4 avril 2024

LE REEL SELON DEMOCRITE

 

Démocrite écrit : « Selon la loi, la couleur, selon la loi, le doux, selon la loi, l’amer, mais selon le réel, les atomes et le vide ». C’est du moins ainsi que Galien le traduit.

La loi (nomos) peut s’entendre comme coutume, ou convention par opposition à phusis, la nature. En clair, le langage est une activité artificielle qui échoue à dire la nature de ce qui est. Doux, amer, forme et couleur sont des constructions de notre esprit, fixées dans le langage pour assurer la communication. Mais alors qu’est ce qui est réel ?

Démocrite utilise délibérément un terme rarissime, quasi absent dans la littérature : èteiè réellement, véritablement.

En général les auteurs traduisent : en réalité, ou, selon le réel, les atomes et le vide. Sauf que dans le texte de Démocrite ni figurent ni les atomes ni le vide ! Les traducteurs, embarrassés par la formulation étrange et inventive de Démocrite substituent au texte une interprétation de leur crû, au motif que l’auteur serait obscur et difficile à suivre !

Voyons le texte : « kata de ten aletheian den kai mêden esti ta panta » - mais selon la vérité toutes les choses (ta panta) sont den et mèden. Qu’est ce à dire ? Mêden c’est littéralement pas-un, rien. Le mè exprime la négation. Par un certain aspect le réel n’est rien, non existence, absence d’être – d’où les traducteurs se sont crus autorisés à déclarer qu’il s’agissait du « vide ». D’un autre côté il faut bien confesser qu’il existe quelque chose, que le réel n’est pas rien. D’où cette invention fabuleuse d’un mot qui n’existe pas en grec classique, den, obtenu par une coupe brutale, une césure de mêden : den pourrait dès lors signifier un contraire relatif de mêden, soit, un « quelque chose », un petit plus par rapport au non-être. A la fois rien et et plus que rien.

La grande leçon de Démocrite c’est le "ou mallon" : pas plus ceci que cela. Par rapport à notre texte cela donne : le réel, en vérité, n’est pas plus quelque chose que pas quelque chose. Rien à voir avec les dogmatiques de l’Etre et de la Substance. Nous voilà, à tout jamais, ballottés dans les incertitudes tourbillonnaires, à brasser du vent.

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
154 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité