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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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27 juin 2019

DEUX ENIGMES : LA VIE ET LA CONSCIENCE

 

Ce qui ne cesse de dérouter l'intelligence c'est le surgissement aléatoire, imprévisible, qui fait événement. L'intelligence est à l'aise dans ce qui est déjà là, que l'on peut soumettre à l'observation, ranger dans des catégories, expliquer par des lois. L'intelligence peut anticiper ce qui se répète, éventuellement inventer de nouvelles combinaisons avec de l'ancien, mais non prévoir la survenue d'un phénomène absolument nouveau. 

Des millions d'espèces différentes sont apparues au cours du temps : nous pouvons analyser, disséquer, comprendre les mécanismes chimiques, électriques à l'oeuvre dans cette prodigieuse inventivité vitale, mais comment comprendre que tel organisme surgisse soudain, qu'on ne peut ramener aux organismes antérieurs, et qui témoigne à son tour d'une inventivité confondante ? On sait décomposer le complexe pour le ramener aux éléments simples qui le constituent, mais on ne sait pas comment se fait l'émergence du complexe à partir du simple. Prenez quelques atomes nécessaires à la constitution d'un organisme, secouez le tout dans une fiole alchimique, vous n'aurez pas un corps vivant !

Comment de l'inorganique  est né de l'organique, mystère !

A l'inverse, quand une espèce disparaît on ne sait comment la ressusciter. J'ai entendu parler d'une équipe de chercheurs dont le projet est de faire revivre le mamouth de Sibérie. La chose est possible parce qu'il reste de l'ADN prélevé sur des cadavres et qu'à partir de là on pourrait inséminer une femelle éléphant. Cet exemple illustre notre propos : ce n'est pas une création de nouveauté, mais une regénération artificielle à partir d'éléments déjà donnés par la nature, conservés et réactualisés.

 "Il est plus de choses dans le ciel et la terre, Horatio

 Que n'en rêve toute votre philosophie".

Les deux grandes énigmes sont l'apparition de la vie et celle de la conscience. Encore ce terme de conscience prête-t-il à confusion : dans un sens très large elle est la perception que fait le vivant de sa position dans son environnement, d'où le déploiement et la rétractation, l'agression et le repli, toute une batterie de comportements adaptés. C'est l'autre face de l'énigme : sitôt qu'apparaît un organisme, aussi rudimentaire soit-il, il agit, il pâtit, il se développe ou se met en retrait, selon les circonstances, agissant en tout pour sa conservation et sa reproduction. Comment un composé rudimentaire d'oxygène et de carbone peut-il inventer des comportements complexes et adaptés par lesquels il assure une étonnante pérennité ?  Comment passe-t-on du plan simplement biologique au plan de la conduite efficace ? Chaque espèce invente son type dominant, avec des variables d'ajustement, et parfois des conduites résolument innovantes.

Si l'on tient absolument à doter l'espèce humaine d'une conscience particulière (pas forcément supérieure) j'y vois, sans doute après des millénaires de tâtonnements, l'apparition de la disposition réflexive, apparemment inconnue du règne animal, soit l'image de soi perçue dans la relation à l'autre - duplication nécessaire à un être né immature et dépendant, qui ne peut se passer du soutien du groupe, dans lequel il occupera une place déterminée. Ajoutez-y la naissance d'un langage, qui, outre la communication utilitaire, organise les savoirs, les techniques, les croyances et les valeurs. Au total vous aurez effectivement une nouvelle forme de conscience, inconnue de l'animal, et qui permet un développement à grande échelle.

La conscience réflexive et symbolique a donné à l'homme de fabuleux outils de domination, mais il est possible que d'un autre côté l'humanité y perde le rapport intime à une conscience plus ancienne, archétypale et instinctive qui, en chacun de nous, résonne comme la réminiscence d'un savoir oublié.

Voici l'histoire d'une tribu aborigène, totalement isolée, dont on peut penser qu'elle vit aujourd'hui comme il y a vingt-cinq mille ans. En une génération, ces chasseurs-cueilleurs du paléolithique, qui auraient pu vivre indéfiniment selon le mode traditionnel, au contact de l'extérieur quittent la forêt, et pour acheter des cigarettes et des smartphones acceptent de travailler comme ouvriers. Dans dix ans, avec l'extinction de la vieille génération, la vaste et profonde culture traditionnelle sera irrémédiablement détruite. - Ce qu'on gagne d'un côté on le perd de l'autre. C'est pourquoi il n'existe pas de progrès linéaire, mais des tâtonnements, des continuités et des ruptures. Mais ce qui est détruit est détruit.

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Commentaires
L
Peut-être la césure en ce qui concerne la conscience reflexive et symbolique est-elle moins évidente à lire les travaux notamment de Franz de Waal sur les grands singes. Plus les études portent sur des notions comme l'empathie plus les différences qui marquaient la spécificité humaine sont de plus en ténues. On y voit donc plus une différence de degré que l'émergence d'un caractère nouveau
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