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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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9 janvier 2023

SUR UN VERS DE SOPHOCLE

 

"Plein de ressources, sans ressources pour rien, il s'avance l'homme"

C'est un vers célèbre de Sophocle, qui, dans le Choeur d'Antigone, s'interroge sur la nature de l'homme, défini ici comme l'être aux mille ressources pour qui rien ne se présente à le laisser sans ressources. Suit l'énumération des divers domaines dans lesquels l'homme a créé des artefacts pour améliorer sa condition : élevage, agriculture, navigation, artisanat et le langage et la loi. On songe à Ulysse "l'industrieux", l'homme de la "métis" : sagessse, prudence, inventivité mais aussi ruse et perfidie. Bien plus qu'Achille, valeureux mais brutal, Ulysse me semble incarner l'idéal grec de la conduite avisée, de l'action efficace, de la ressource face à l'adversité.

Interrogeant ce vers paradigmatique, Clément Rosset fait remarquer que rien dans sa construction n'empêche une autre lecture. Il suffit de redistribuer les éléments.

"Plein de ressources sans ressources - il s'avance vers rien, l'homme". L'intérêt de cette lecture (qui est fausse selon la logique de Sophocle) c'est de mettre côte à côte deux affirmations contradictoires, "plein de ressources - sans ressources", ce qui exprime, il me semble, une profonde vérité, plus vraie que la perspective de Sophocle. Car, s'il est bien clair que l'homme est inventif et créatif dans le domaine pratique, dans la vie sociale et intellectuelle, il n'en reste pas moins évident qu'il s'avance vers rien, parce que rien ne dure sous le soleil, ni les cités, ni les Etats - ni lui-même. "A la fin, disait Murakami, il ne reste que le désert".

"Pantoporos aporos", plein de ressources pour tout, sans ressources. Admirable paradoxe, digne d'Héraclite, qui exprime puissamment la beauté et la caducité de la nature humaine, mais aussi, à considérer les choses en grand, celles de tous les êtres vivants. Tout ce qui vit doit mourir et à cela il n'est nulle exception. Toutes nos ressources, sublimes ou dérisoires, n'y changent rien.

Me revient fort à propos cette phrase de Montaigne :"Nous ne mourons pas de ce que nous sommes malades, nous mourons de ce que nous sommes vivants".

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