TOTALITARISME TECHNOLOGIQUE

Le totalitarisme postmoderne vient de franchir un nouveau palier dans la course à l'abjection. Après la surveillance et le flicage universel voici la dernière innovation "technologique" : munir tous les enfants et les adolescents de stylos ou de crayons mouchards qui enregistreront les mimiques, les paroles, les écrits, les échanges, à l'école, et pourquoi pas à la maison, de manière à fournir au pouvoir tous les renseignements utiles à la sélection : répérer les normopathes, conformistes, futurs agents du parti, et d'autre part les indociles, rebelles, récalcitrants, que l'on pourra, dès le jeune âge, destiner à l'hopital psychiatrique ou au camp de rééducation. Sans parler de la pression permanente, de l'obsession de résultat, qui entraîneront fatalement de graves distorsions psychologiques.

Comment une telle horreur est-elle possible ? En fait elle n'est que le développement récent d'une tendance inscrite dans les prémisses du système totalitaire. Si bien qu'il faudra s'attendre, dans les années à venir, à des aberrations pires encore, que facilitent les progrès de la technologie, qui, au lieu de servir la liberté, est détournée au profit de la servitude. Et de fait il y a lieu de s'inquiéter, même dans les pays démocratiques, d'une évolution incontrôlable qui rabote chaque jour un peu de nos libertés. L'ambiance générale, de nos jours, est singulièrement pesante : ceux qui comme moi ont connu la belle efflorescence des années quatre vingt mesurent avec tristesse et angoisse l'involution dramatique où nous sommes. Pour ma part je redoute ces supposés progrès car il faut bien voir qu'ils ne sont pas neutres, qu'ils servent des intérêts, qu'ils creusent vertigineusement l'écart entre riches et pauvres, qu'ils délivrent des pouvoirs colossaux à ceux qui déjà jouissent du pouvoir, et enfin que le citoyen de base ne peut exercer aucun contrôle, livré à l'arbitraire d'un mécanisme impersonnel et souverain.

La technologie au service du totalitarisme est une horreur. La technologie en pays démocratique est une menace. Le drame c'est que nous sommes tous engagés dans un processus mondial que nul ne peut comprendre, ni ralentir, ni contrôler : où va-t-il ? Nul ne le sait.