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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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15 octobre 2020

"NE PAS CEDER SUR SON DESIR"

 

 

"Ne pas céder sur son désir" - telle serait, selon Lacan, l'éthique de la psychanalyse. Le sujet ne serait pas coupable parce qu'il contrevient aux impératifs du surmoi, ce qui est la position de Freud, en accord avec la position commune, mais tout à l'inverse, parce qu'il renonce à son désir, forme subtile de "lâcheté".

Mais que faut-il entendre par : ne pas céder sur son désir ? La formule n'a de sens que par rapport au désir fondamental, celui qui définit, pour le sujet, sa manière originale d'être au monde, son style propre, ses intérêts essentiels, sa vision et son action.

Lorsque Pyrrhon rejoint l'armée d'Alexandre ce n'est certes pas pour batailler, mais pour voyager, rencontrer des savants, des sages d'au-delà de la mer, pour s'instruire, se risquer, se frotter à d'autres cultures, en un mot pour se former comme philosophe. Et si, préférant le confort et la facilité, renonçant à ce qui fait le  sens de sa vie, il était resté à Elis, en effet il aurait fait acte de "lâcheté", en se trahissant lui-même, se ratatinant au statut pitoyable de philosophe raté. Pyrrhon est devenu le grand Pyrrhon par ce voyage, accédant à soi-même par la confrontation perpétuelle avec les philosophes de son temps, y compris les mages de Perse et les sages hindous, ces sadhus "vêtus d'espace".

La chose se vérifie abondamment dans le domaine de l'art. Songez à Léonard, au courage herculéen qu'il lui fallut pour se détacher de la tradition, lui, le gaucher, le bâtard, l'homosexuel, le transfuge, le risque-tout, l'errant, admiré, et détesté plus encore. Freud se demandera quel était, au bout du compte, le vrai désir fondamental de Léonard : désir de savoir ou désir de beauté ? Lui-même le savait-il ? Il aura été cet exemplaire rarissime d'une double orientation, qui tantôt fusionne et tantôt se combat. Voilà un homme qui aura vécu de son désir, épuisant toutes les possibilités autour de lui et en lui, sans s'arrêter jamais, intarissable et merveilleux !

Oui, en ce sens la formule est juste : il ne faut pas céder sur son désir. Mais attention. Quelque esprit superficiel pourrait entendre qu'il faut se laisser aller au caprice, voleter de ci de là au gré des impulsions intérieures, se couler dans ses fantasmes, sans norme, sans discipline, velléitaire et papillonnant. Ce n'est là que le régime pulsionnel, tel qu'il se manifeste dans les rêves, cela ne constitue pas une règle de vie, encore moins un style. Ce qui fait le style c'est la domination d'un désir puissant dans lequel le sujet reconnaît et affirme son irréductible singularité.

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Commentaires
O
Cher Monsieur, <br /> <br /> Je découvre votre carnet, blog, jardin. C'est un plaisir de s'y promener et de vous y lire. Merci. <br /> <br /> Oncléo
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