De la TYRANNIE du DESIR, et de la loi
De la tyrannie du Surmoi, certes, il importe de se libérer. Mais ce n'est pas, certes, pour sombrer sous la tyrannie du désir.
Cette formulation peut surprendre. Lorsqu'on dit : "ne pas céder sur son désir", que dit-on au juste ? La chose se développe en deux temps. D'abord cela signifie qu'il faut libérer le désir, suspendre les identfications et aliénations dans lesquelles il est pris, desserrer la tenaille du surmoi, cesser de vouloir être le bon objet qui satisfait la demande d'autrui etc. Cela est bien connu et ne prête guère à discussion.
En second lieu : établir un rapport congruent entre le sujet et son désir, savoir le reconnaître, le faire exister, le faire entendre - ce qui ne signifie pas forcément vouloir le réaliser. Ce serait une plaisante justification à toutes sortes d'actions répréhensibles que de dire : c'était mon désir ! Imaginez le gouffre qui s'ouvrirait dans l'orbe général de la société si chacun y allait de la souveraineté de son désir pour s'autoriser de soi ! Toute-puissance imaginaire qui fait le tyran, et le pervers !
Manifestement, en cette affaire, il manque la référence à la loi. Que dit la loi ? La satisfaction est pas-toute, toujours partielle. Par exemple : tu ne traiteras pas autrui comme un objet de jouissance offert à ta convoitise - songeons au viol, au meurtre, à la spoliation - sous prétexte de suivre ton désir. On songe aux diverses formes de perversion, mais aussi à ces formes extrêmes de pouvoir politique, où le chef se mue en tyran : son désir est la loi - pour les autres.
Ne pas céder sur son désir signifie : articuler le désir, reconnu et assumé, à la loi. C'est là le travail propre du sujet, qui ne s'identifie pas purement et simplement à son désir. Le désir vient et passe, revient encore. Très souvent on ne peut faire autre chose que le regarder passer. Cela est vrai notamment des fantasmes, et des rêves. Mais il y a sans doute un désir plus fondamental, au plus près de la vérité du sujet, qu'il faut savoir écouter, auquel il importe de trouver un mode d'expression, juste et vérace pour le sujet, et respectueux de la loi. C'est dans cette voie que s'engage celui qui parle, ou qui agit en vérité.