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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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9 mars 2009

EUDEMONISME

L'eudémonisme c'est la philosophie du bonheur. Son postulat est que le bonheur est accessible dans cette vie même. C'est la position dominante des sages grecs de l'époque hellénistique, épicuriens, stoïciens, cyniques, cyrénaïques et sceptiques. J'ai la plus haute estime pour ces diverses pensées : ils ont raison de placer la question du bonheur, ou plutôt de la félicité, au centre de leurs préoccupations, avec leurs différences évidentes quant aux moyens à mettre en oeuvre. Mais c'est la possibilité même du bonheur que je conteste : je pense plutôt, comme Freud, que "le bonheur n'est pas au programme de la création" - d'autant qu'il me semble évident que ladite "création" (terme impossible à retenir) n' a aucun programme, ni pour elle-même, ni pour l'humanité. C'est notre indéracinable vanité qui veut soumettre l'univers à notre imbécile besoin de sens. Et de fait, soyons francs pour une minute, que nous importerait l'univers s'il était avéré qu'il n' a aucun souci de nous, qu'il agit, comme les dieux épicuriens, dans une souveraine indifférence quant à nous, ou que, comme le vouloir-vivre de Schopenhauer, il était l'expression d'une force souverainement indifférente à ses productions, aveugle, éternelle, sans finalité autre que sa propre reproduction à l'infini, donc sans finalité du tout, absurde et terrifiante? Ces idées tragiques nous sont fondamentalemùent insupportables, nous voulons du sens, voilà toute l'affaire! C'est par le sens que l'humanité se réintroduit dans l'histoire de l'univers, se dote d'un statut éminent, et se débarasse de l'angoisse de l'absurde. Voilà pourquoi il existe des mythologies et des religions, et que nos sciences ne font que reproduire, avec d'autres moyens, en croyant s'en débarrassser à bon compte. Le vieux Freud, lui encore, fut d'une extrême lucidité lorsqu'il déclara que c'est notre désir qui plie l'univers à la logique, qui exige et construit le sens, et que cette construction s'appelle une mythologie. "La science est notre mythologie" Eh bien il semble que sortir de la mythologie nous soit définitivement impossible. Le non-sens est la limite rédhibitoire de notre intelligence. Aussi faut-il chercher du côté des "fous" une autre capacité de penser, de sortir du cercle et d'entrevoir le réel. Qui de plus fou qu'un authentique philosophe, je ne parle pas des philosophes fonctionnaires de l'Etat ou du parti, ou le l'Eglise, ou de quelque institution délivreuse de sens et de "développement personnel", je parle évidemment de ceux dont nul ne veut, qui dérangent et que nulle logique du sens ne peut récupérer, comme les penseurs du Chan, les poètes taoïstes, les Héraclite, les Pyrrhon, les Schopenhauer et les Nietzsche.

Ceux là disent haut et fort que ledit bonheur est une expression du désir, d'ailleurs loin d'être monopolistique: que voulons vraiment? La paix disons nous, et nous ne faisons que préparer la guerre. L'harmonie et la justice sociale, et nous ne faisons que creuser les inégalités les plus scandaleuses, nous accumulons les forfaits et les massacres. Nous disons vouloir le bonheur et travaillons sans relâche à l'éternisation du malheur, jusqu'à ce qu'enfin tout soit définiment anéanti. Cette dimension diabolique était peu soupçonnée chez les Anciens, qui croyaient dur comme fer que chacun cherche le plaisir et le bonheur. (Voir Epicure : le plaisir est la loi fondamentale de la nature). Ils n'avaient pas une conscience très nette de la double "nature" de l'homme, de sa démence autant que de sa sapience. Ils croyaient encore à l'"animal rationale", cette fiction du Logos, alors posé comme souverain. Mais dans le même temps la tragédie attique nous enseignait tout autre chose : les hommes s'activent obscurément à se détruire, à s'accoupler avec les dieux et à engendrer le monstrueux. (Hölderlin) Eh bien, le monstrueux le voici, dans les armes nucléaires, dans les satellites espions, dans les droms, dans la surveillance généralisée, dans la suspicion, la haine savamment distillée, le fondamentalisme, le sécuritarisme, l'espionnage universel, les mégalopoles colossales - et sales- où se tassent des millions de malheureux, face aux buildings à cinq cent étages brillant de leurs feux funèbres et indécents. Le monstrueux s'est infiltré partout : le téléphone portable qui vous localise, la carte bancaire, la technologie informatique, l'administration sans visage, l'obsesssion de sur-rendement et la paupérisation du grand nombre.

Pensez donc après tout cela que la science et la technique travaillent à notre bonheur? Mais qui, aujourd'hui, accepterait de revoir les fondements d'une civilisation perverse gangrenée par l'obsession de la jouissance sans fin, à l'ombre de Thanatos?

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