ROUTES d'EXIL XV, XVI, XVII, XXIII ( fin du recueil)
XV
Ah, routes, vous ne menez jamais à l’essentiel !
Routes du Nord, si plates par la plaine, les dunes et les vents !
Routes des fjords de glace, des cols, des neiges blafardes ;
Abysses colossales, givres sans nom. Les yeux se sont voilés,
Les âmes desséchées, semelles de blizzard, ventre crevé !
Routes du Sud, longs golfes d’incendie, Corinthe et Kolossos,
Midi d’épure – ô vents nuls !
Tombe d’Agamemnon, roi d’exil, insondable surface
Où se perd ma raison !
Routes d’ouest, océan terrifique !
Et l’est ! ô Nostalgie, terre perdue, colombages qui barrent les routes
En avant, en arrière. Et retour impossible !
La croix des voyages m’écartèle, l’horrible roue, morne saccage.
Retour au centre
A l’immobile aux grands yeux vides
Vertige d’un couloir insondable
Et la chute infinie dans le vide…
Entonnoir maléfique, horrible chute et cri
Provenance incompréhensible.
La chouette me contemple de son œil impassible
Ici tremble le cœur à pressentir l’extrême
Tout au bout du couloir
Quelle image de glace, sang séché, quelle informe
Enigme me ravage ?
Cela pourtant est vrai, de vérité sensible, immarcescible
Qui du cratère de l’horrible peur
Se libère, rayonne, tourbillonne
Tumultes et rumeurs,
La vie, la vie enfin, débridée, torrentielle
Ecoulements, écroulements, éboulements
Tumultes et rumeurs
Et tout cela qui recommence
Et s’extasie
Eperdument !
XVI
Chute d’Icare sous le jet des soleils
Et par quel orifice
Quel fond sans fond
Tu vires, tu chavires
Criblé d’éclairs de soufre, de vitriol
Interminablement
Le long de l’entonnoir béant ?
Je tombe, je tombe
Plus de sol, plus de terre
Rien n’arrête ma chute
Le rêve noir n’en finit pas
Tête première
Corps arqué
Quelle membrane faut-il déchirer
Quel hymen invisible
Pour exister ?
XVII
Il faut rester. Tout cela n’est qu’un rêve.
Je suis lassé des voyages, ô routes de misère !
Elle est ici la terre, terre toute donnée
Ici les dieux ne sont plus que poussière
Cheveux d’Hélène, eaux des fontaines
Je suis le résident d’ici
Ici je suis.
Pour Nicole, texte revu et publié, ce 24 janvier 2011