ROUTES d' EXIL , ELEGIE : III et IV
III
Equivalence !
Toutes les routes se valent, qui mènent à la mort. La vie, ce pas-encore, ce déjà plus, ce suspens, cette hésitation, ce vertige du vide !
Et pourtant le temps passe, et nous va, et nous pousse en avant, irrésistiblement nous presse.
Entre aujourd’hui et demain la mince pellicule du sommeil
Entre nous et la mort quel espace pour le jeu du désir ?
L’animal ne sait rien de sa mort, il est le laisser-vivre.
Il n’a pas à choisir. C’est le sort qui décide, fixe l’heure et le lieu.
Entre hier et demain
Entre deux morts
Ce bref instant, ce rétrécir !
Il n’y a pas de route à prendre, toutes se valent qui mènent à la mort.
Mais,
Se tenir au plus près de l’origine où le jour se déchire
Où le désir décroche, et décoche sa flèche, comme le chant du coq
Où rien encore n’a de forme précise, de contour arrêté
Où hésitent sur leur socle les heures
A l’interstice
N’être que du naître sans cesse réadvenant
Fertilisant
Fragment de temps volé
Fragment d’espace
Arraché
Entame qui va s’approfondissant
Désir naissant.
IV
Fuyons les routes tracées, araignées buveuses de sang !
Prenons les chemins campagnards, incertains, mal pavés, raboteux, cahotants.
Le lac est dans tes yeux ma jolie, mon averse tranquille,
Mon bouton d’aubépine, colombe aux pieds graciles,
Port de reine, bouche bue
Mon chant d’aurore !
Je ne sais où je vais, mais j’y vais, les jambes tremblent d’une incertaine audace,
Léger pourtant, comme vont les amants, enlacés vers le bois silencieux
Notre étreinte
Gage d’autres aurores !
Résultat nul ? Ce que je ne cherchais pas je l’ai trouvé dans la ravine entre deux bois de noisetiers.
La course d’un chevreuil piétinant les ronces
Son regard arrêté, la forêt courait dans ses yeux
Tournoyait crépitait
Un bref instant, toute chose avait son lieu !