POESIE 8 : ROUTES d'EXIL ; ELEGIE I et II
ROUTES d’EXIL, ELEGIE
I
Plus de pères ! La route est libre, mais laquelle, et vers où
Mais entre le moment que voici, et la mort
Une plage de vie, longue ou courte, qui sait ?
Une route droite ?
Ou plusieurs chemins gaillards, louvoyants, indirects
Qui se croisent ou s’entrecroisent
S’éloignent, se déchirent, se recomposent
Un faisceau de routes
Un écheveau de routes !
Etoiles sillonnantes, sifflantes, flèches, flèches acérées, flèches courbes, droites et folles !
Herbes aussi, frondaisons, forêts, végétations prolixes, carnivores –pléthores
Le vide aussi, l’interstice rebelle, l’interstice affamé, rongeur, cannibale, semeur de mondes et saxifrage, recracheur de poussière, de rubis et de feu ! Forge de l’avenir, géniteur d’univers !
Je ne sais où je vais entre aurore et couchant, entre les abîmes, côtoyant les falaises où la mer gronde, et le mufle du néant, entre hier aboli et le demain sceptique – incertitude, vagissement-pléthore !
Je voudrais être partout à la fois, embrassant d’un seul geste l’aube et le crépuscule, l’orient et l’occident, - n’avoir pas à choisir,
Pour retenir l’instant, le riche instant qui contient tous les mondes
Pour repousser le fatal, le déchirement, l’éclatement d’un impossible Tout
Car tout choix est douleur, déchirure et naissance, et route encore, encore
Vibration de la corde au moment du lâcher, quand la flèche qui troue le vide abolit et profile un chemin
Où je voudrais peut-être la suivre, mais pour où, mais pour où
Dans l’indéterminé d’un impossible lieu ?
II
Ecrire c’est tracer une route dans le silence, c’est créer la route
Car rien ne précède la route, avant la route c’est la mort, d’une mort éternelle
Inerte, et froid et sale, d’une morne apathie funéraire, peuplé d’oiseaux de mort
Coléoptères, digitales fleurs carnivores
Monstrueuses aragnes, velues, glissantes, stupéfiantes
Mais le pas du chasseur, dans la végétation, à coups de machette, trace
Une route !
Ainsi le verbe se fait chair, chair sensible, animée, mouvante, saisissante, tactile
Chair coulante, filante, essayeuse, et fileuse
Etoile dans la nuit, tracé de feux, courbe d’éclairs
Voltigeuse mouette, écharpe de lumière
Voyelle de le chair béante, avalant l’air, crachant, tonnant, vociférant
Et consonne qui vibre, et résonne, et prolonge le vibrement sonnant
Car la voyelle est large, ouverte, buvant l’air, aspirant l’infini
Et la consonne est mâle, et pénétrante, et secouante, vibrant de mille secousses, flèche
Et le pas peut saillir, par le frémissement d’une semelle ferme, la distance,
Accomplir, le premier, le couple du pas clair et du sol
Et consonne et voyelle, et le clair et l’obscur, promesse d’avenir…