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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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18 août 2010

De la DESINTOXICATION VOLONTAIRE

Depuis quelques mois je m'efforce à une désintoxication volontaire et méthodique. Tout ce qui m'a été enseigné, de gré ou de force, se voit soumis à un impitoyable curetage mental, les savoirs, les méthodes, les doctrines, les présupposés, les intentions conscientes ou inconscientes, les impensés, les fondements, les finalités, les résultats, et de manière générale, les formes autant que les contenus. J'ai résolu, dans la plus austère fermeté, de penser, autant qu'il se peut, à partir de mon expérience, et non plus à partir des textes ou des auteurs. Je me suis autoproclamé philosophe, puisqu'aussi bien aucune autorité n'est fondée à décerner des titres de compétence, l'Université encore moins que toute autre instance officielle. A ma façon j'applique le précepte de Bouddha qui nous enjoint de ne rien admettre qui ne soit le fruit d'une expérience personnelle, et celui de Lacan qui déclare que "l'analyste ne s'autorise que de soi-même". De même pour le philosophe, et plus encore, s'il est bien établi qu'il ne saurait y avoir de maître en philosophie.

Cette auto-autorisation ne saurait avoir de fondement autre qu'elle même, si l'on veut éviter de tomber dans la contradiction. Elle ne peut ni se garantir ni se justifier, si ce n'est de soi-même. Mais alors dira-t-on, qu'est ce qui nous protègera du charlatanisme? Seule réponse possible : examinez l'homme, lisez ses oeuvres et voyez par vous-même ce qu'il en est. Pour moi l'affaire est entendue. Je sais qui j'étais, je sais qui je suis. Entre les deux, l'abîme d'une expérience, la dévastation et la révolution.

Certaines pensées n'ont plus pour moi la moindre signification ni valeur. On dit justement qu'un problème résolu est un problème effacé. Il en va ainsi des doctrines religieuses, des idéologies idéalistes, des "conceptions du monde", de la morale, de la philosophie de l'histoire, des espérances politiques, de toutes ces conceptions optimistes ou pessimistes qui prétendent énoncer la vérité du monde. Un solide pyrrhonisme, rien de tel pour faire le ménage dans nos esprits surintoxiqués de croyances et d'articles de foi.

Tout cela est encore assez banal. Car au delà des doctrines et des opinions, considérés comme contenus de pensée, il faut examiner à la racine le besoin morbide de croire, qui se déplace si facilement d'un objet à l'autre, et qui comme l'Hydre de Lerne, repousse indéfiniment. Est-il possible de vivre, et de vivre sainement et pleinement, l'esprit vide et le coeur joyeux, débarrassé de cette vermine mentale qui nous affaiblit, qui, comme un cancer, ronge notre force créative? Je pense à cet épisode fameux : Bouddha vient de connaître sa pleine illumination, et, s'adressant à Mâra, le dieu des illusions, il lui dit : " Tu ne pourras plus m'atteindre! La plante est déracinée! Il n' y aura plus de future incarnation". Cette certitude exprime, plus prosaïquement, la confiance en soi, l'assomption de soi dans la liberté d'une conscience parvenue à la pleine lumière. La chose est-elle possible? Je l'ignore, mais je sais que l'on peut faire d'étonnants progrès dans la connaissance intérieure. Cela ne protège ni du malheur, ni de l'affliction, ni de la maladie, et encore moins de la mort, mais cela donne à l'existence un tout autre caractère.

Il faudrait parler longuement de la psychanalyse, que j'ai pratiquée parallèlement à ma démarche pyrrhonienne. Chez nous, cette étrange forme de curetage mental est la seule qui prenne les choses à leur racine, non seulement pour trouver quelque source intelligible à la névrose, mais plus radicalement pour sonder les fondements énigmatiques de la psyché. La méthode, si elle est appliquée avec rigueur et constance, est une véritable entreprise de démolition qui présente les plus grands dangers. Je ne parle pas d'une vague psychothérapie de quelques mois, je parle de la cure comme exploration méthodique de l'inconscient. "Quelques uns, heureusement, en réchappent" déclare Lacan! Ce qui est une manière élégante d'en éclairer le sens et le risque. Mais, à supposer qu'on y survive, il faudra procéder à un nouveau curetage mental, celui de la psychanalyse elle-même, qui a, de fait, créé de redoutables distorsions dans cette application trop longue, trop soutenue à l'analyse des formes et des contenus, sans compter le risque, trop réel, de s'enfermer dans une nouvelle idéologie, où l'on sentira, pensera, parlera, écrira, enseignera dans la vulgate psychanalytique, ânonnant, glosant et contreglosant sans fin en termes de "signifiant, de fantasme , de Grand Autre, de phallus et de castration", guère plus fûté en somme que le premier séminariste venu. La révolution demande une contrerévolution : de la méthode de curetage elle même il faut se défaire pour accéder à une nouvelle liberté. Précisons encore : aucune doctrine, aucune méthode de désintoxication, bouddhisme y compris, et pyrrhonisme, ne doit échapper au naufrage.

Au bout du compte on découvre que la seule pensée juste est la non-pensée, non pas, encore une fois, la rigidité cadavérique, mais cette disponibilité psychique souveraine qui efface les attachements passionnels et conceptuels, pour laisser advenir en soi le jeu du monde, la danse de Dionysos, et l'innocence.

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Commentaires
G
Votre intervention m'est plutôt sympathique. Vous parlez comme vous sentez, et c'est bien. Je note votre distraction, votre incapacité à lire ou écouter, et je crois que cela vient de ce que vous avez beaucoup de choses en tête qui vous préoccupent et qui vous rendent indisponible à tout la rste. Il faudrait peut-être laisser venir tout cela à la conscience pour pouvoir y réfléchir posément. on en discuter avec des amis. La seule "chose" en quoi vous puissierz croire c'est en vous même, mais il faut vous donner la chance et l'occasion de vous écouter plus avant. Une autre solution est de vous mettre à écrire ce qui vous passe par lé tête, et d'y réfléchir après - mais surtout pas avant ni pendant. bon courage à vous. GK
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H
comme souvent , je commence par la fin."je pense plutôt que chacun doit tracer sa ppropre voix " <br /> ouaou! chuis vachement contente ! alors je remonte un peu : "pour penser par soi-même il faut d'abord apprendre à penser , ce qui se fait en étudiant longtemps les autres , et en confortant leur pensée à notre propre experience" et déjà , là je décroche <br /> <br /> il y a le contenu de pensée et la façon de penser la façon de penser des autres , c'est de l'histoire , c'est comme un fil qu'on déroule .on s'arrête , on défait les noeuds , on en met bout à bout , on s'organisedans une certaine logique et à supposer qu'on ait fait cet effort là , on es plus ou moins écoeuré .Enfin c'est comme ça pour moi parcequ'en fait je survole , trop c'est trop., et en fait moi je disparais là -dedans <br /> <br /> bon , je ne sais pas pourquoi chuis venue ici mais j'ai un problème grave : j'écoute , ou je lis et au bout de deux minutes : digression je m'embarque dans mes propres pensées qui caracolent indomptées .Impossible d'avancer dans mes lectures , ou d'écouter le prof jusqu'au bout ou tous ces types qui parlent dans le médias ! je suis trop reactive car j'ai plein de choses à dire sur ces problèmes que tout le monde se pose, sur ces questions sans réponses , sur ces réponses qui ne sont là que pour appeler la contradiction , sur cette pensée qui suit la mode du moment <br /> <br /> et maintenant , vous , vous me dites : oubliez tout ! alors là je rigole ! si c'est pour en arriver là ! et vous vous dites , qu'es-ce qu'elle raconte cette pauvre gamine ,penser c'est du travail , on ne pense pas n'importe comment .je sais bien mais il y a la methode et le contenu et si j'ai bien compris , la méthode que seule une longue pratique des autres peut me permettre d'acquerir doit me conduire au fait que la seule fin possible c'est le vide .Nada . <br /> ah bon ....et je suppose aussi que le dualisme est une perversion cartésienne ...et je suppose aussi que je dois me détacher de toutes les contingences humaines ? <br /> oups ! en fait ce qui me gène , c'est que toute recherche , tout cheminement commence par un acte de foi : je dois croire qu'il y a un aboutissement possible comme je dois croire en l'efficacité de la psychanalyse avant d'entreprendre une cure .L'experience des autres est incommunicable et il faudrait que je l'aborbe en même temps que la mienne<br /> Bon , je crains d'être confuse , et de vous faire perdre votre temps (ça c'est à peu prés sûr ) mais j'ai reussi à lire tout votre article en commençant par la fin et ça c'est un exploit . merci <br /> <br /> je comprends rien à cette histoire de rétroliens ? c'est une secte de grands cerveaux?
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G
Je ne recommande en rien un isolement social et culturel mais un travail de recentrement personnel qui ne peut d'ailleurs se faire qu'après un long apprentissage de la vie et de la pensée d'autrui. Il faut bien revenir à soi pour y trouver la source de sa propre authenticité - ce qu'ont fait tous les penseurs qui ont accédé à la maturité. Pour penser par soi-même il faut bien d'abord apprendre à penser, ce qui se fait en étudiant longtemps les autres, et en confrontant leur pensée à notre propre expérience. Mais le but du parcours est bien d'accéder à une vérité qui soit authentiquement nôtre, ce qui ne veut pas dire qu'elle soit forcément d'une originalité absolue. Parfois on peut s'épanouir dans une tradition plus ancienne, à condition de l'avoir totalement revisitée et éprouvée.<br /> Quant au dire de Platoon il m'est imposssible d'admettre qu'il existe une vérité universelle préétablie qu'il suffirait de redécouvrir. Je pense plutôt que chacun doit tracer sa propre voie.
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G
- Le problème est le suivant : peut-on réellement, comme vous semblez le souhaiter, faire table rase du milieu dans lequel nous vivons ? Penser sans écouter les réflexions qui nous ont précédées, vivre en quelque sorte en autarcie, ne compter que sur nous-mêmes ? Vous dîtes vous astreindre à le faire, mais est-ce réalisable ? Est-ce que, sans le vouloir, vous n'êtes pas conditionné par toutes ces pensées alentours qui courcicuitent la vôtre ?<br /> <br /> - N'est-ce pas Platon qui disait que l'apprentissage n'est qu'un effort de mémoire car à la naissance nous connaissons déjà tout ?
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G
Vous avez raison, et vous donnez un excellent exemple de "nature pure de l'esprit" au réveil, du moins si d'horriblers rêves ne vous ont pas persécuté tout au long de la nuit, trainant après eux une longue chape de plomb! Je constate qu'il est possible de favoriser l'éclosion de ces moments de grâce - et de gratitude- en marchant dans la forêt, en méditant, en pratiquant des exercices psychocorporels. Comment se fait -il que notre "éducation" si performante sur le plan technique ait délaissé totalement la pratique de l'éveil psychique? Il serait possible d'enseigner la relaxation, l'esprit de gratuité, et la détente mentale, si notre école visait la qualité de la vie et pas seulement le rendement économique. Heureusement chacun peut, s'il le désire vraiment, se mettre à la "scholè" de la vie belle et bonne. Ce qui justifie pleinment notre entreprise "a-philosophique". Merci à vous.
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