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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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17 août 2010

DE L'INDIFFERENCE MORALE

Dans le vaste champ de la morale on peut distinguer quatre domaines : l'interdit, l'obligatoire, le recommandable, l'indifférent. La pratique de l'inceste est interdite. Le respect de l'autorité est obligatoire. Rendre un service est recommandé, mais non obligatoire. Aller en vacances ou rester chez soi est indifférent. Je constate que le Droit Positif inscrit en toutes lettres les interdits fondamentaux dans le code civil, réprime les transgressions, et dès lors je ne vois pas pourquoi il faudrait en faire des interdits moraux. De même pour les obligations : si je n'élève pas mes enfants je serai poursuivi par la justice. On peut estimer que le droit positif a, en quelque sorte, absorbé et codifié le droit naturel, la morale conventionnelle, et qu'il est dès lors superfétatoire de s'interroger plus avant sur les impératifs moraux. Inutile d'en rajouter et de créer des névroses artificielles sur le thème de la responsabilité et de la culpabilité. Sur ce point il faut, et il suffit de se ranger à la norme commune, puisqu'après tout il faut bien des régles pour rendre possible la vie sociale. Sauf monstruosité  institutionnelle - lois scélérates, cryptofascisme, perversion généralisée des pouvoirs  - on peut s'en remettre au droit pour gérer la vie civile. Dans un cas d'extrême danger pour la liberté le problème devient politique, et sa solution ne peut être que politique.

Le recommandable n'est pas l'obligatoire. J'ai été invité à souper, il est de bon ton de rendre l'invitation. Si je me dérobe il ne m'en coûtera rien, si ce n'est un embarras psychologique, et encore! Ce ne devient un problème moral que si j'en fais de moi-même un cas d'école, et que je mêle la culpabilité à la simple urbanité. En fait, ce ne devrait pas être un problème : simple accord de moi à moi, calcul des plaisirs et des déplaisirs.

Quant à l'indifférent il ne relève que des choix privés, et ne concerne nul autre que moi et mes proches.

Au total la morale n'intervient guère dans nos conduites, et ne devrait en rien polluer nos existences. Tantôt c'est le droit qui prescrit ou interdit, tantôt nos choix relèvent de la liberté privée, essentiellement psychologique. Mais nous nous croyons de mille et une manière contraints par la convention, le bien faire, nous infligeant d'inutiles et pesantes obligations destinées à calmer une angoisse surmoïque récurrente.

Des philosophes ont voulu chercher l'origine du sentiment moral dans une autre sphère  que l'obligation sociale. Les uns invoquent la raison, comme réglement intelligent des passions, d'autres prétendent découvrir un "instinct  infaillible" qui me ferait distinguer immédiatement le bien du mal (Rousseau), d'autres encore invoquent la pitié naturelle comme source de la moralité (Schopenhauer), et bien entendu, à bout d'argu ments, on se réfugie en Dieu, "cet asile de l'ignorance". Mais chacun sait que la raison, dénuée d'énergie propre, ne règle guère les passions, que le fameux instinct moral est totalement inconnu du pervers, que la pitié n'empêche en rien les massacres au nom de l'idéal, et que Dieu a de longtemps raccroché son téléphone. J'en reviens donc à ma thèse : la morale est une convention sociale qui établit des règles pour réguler le jeu social des échanges, du pouvoir, et de la souveraineté.

Il faut considérer ce pseudo-problème avec lucidité. Tenir un discours moral ne fait pas de nous des gens honorables. Le plus souvent il masque l'intérêt, voire la passion. Les pires sont les doctrinaires, fous de Dieu, fanatiques d'un idéal catastrophique. Je préfére un égoïste sensé à un généreux intempestif. Nietzsche ne se lassait pas de dénoncer la "moraline" de l'homme moderne, hypocrite et calculateur. Rimbaud estimait que "la morale est un ramolissement de la cervelle". Je préfère dire tout simplement : le souci de moralité est inutile, le droit suffit pour l'essentiel, et pour la conduite de la vie personnelle, pour la relation avec autrui, il est plus sage et plus efficace de se doter d'une pensée juste qui éclairera nos choix selon la position éthique.

Si je décide d'aider mon prochain que ce ne soit pas au nom de la Raison Pure, de la Pitié naturelle, des devoirs religieux ou de la crainte de Dieu, mais par générosité vraie, entendons, par expression de la force active, par surabondance de puissance, parce que je le veux, et que dès lors je ne vois aucune incongruité à prendre ma part dans la joie que je puis donner. Nul n'est tenu à la pureté morale, cette foire aux cancres, triste invention de "penseurs" sans pensée.

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Commentaires
J
Ce n'est pas de cette raison là que je parlais - je la vois en effet un peu comme vous - mais de la raison en tant que ...disons mobile, idée qui emporte la décision. <br /> Et je pense qu'elle est le véhicule d'une énergie qui était là de toute façon mais qui se concentre soudain.<br /> Cette raison déterminante, déclenchante aurait comme particularité de représenter le bien du sujet.
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G
Pour Jean Louis : j'ai essayé de penser, contrairement à vous, la raison comme seconde par rapport à la force. C'est la force qui fait agir, et la raison se présente ensuite comme justification, voire comme rationalisation. J'ai tendance, après Hume, à considérer que la raison n'a guère de pouvoir en soi puisqu'elle ne fournit pas de motif. Elle établit des liaisons entre les phénomènes (par exemple la causalité) mais les impulsions viennent des besoins ou des désirs. Cette mienne argumentation vise essentiellement la conception morale de Kant, qui prétend agir par pure injonction du devoir, comme impératif catégorique : "tu dois, tu veux, tu peux". C'est pour moi une parfaite aberration psychologique.
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G
Tout au contraire, c'est bien parce que chacun cherche spontanément son intérêt propre que le droit est nécessaire comme fondement public, comme norme, et comme limite. Par exemple le pacte républicain comme fondement de la démocratie.
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G
Bonjour, j'aime bien ce genre de réflexions (je me pose moi aussi des questions régulièrement sur la toile), une assertion de votre part m'a cependant choquée : <br /> <br /> "le souci de moralité est inutile, le droit suffit pour l'essentiel, et pour la conduite de la vie personnelle, pour la relation avec autrui, il est plus sage et plus efficace de se doter d'une pensée juste qui éclairera nos choix selon la position éthique."<br /> <br /> Je penserais personnellement le contraire : le souci de moralité est essentiel, le droit quant à lui est inutile quant la moralité suit. Vous dîtes qu'une pensée juste est plus efficace, le problème c'est que les hommes ont chacun une "pensée juste" à eux, qui leur est personnelle, et qui malheureusement est différente et/ou opposée à celle de leur voisin.
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J
Oui, mais je pense qu'en tant que personnes, nous avons toujours besoin de nous appuyer sur des raisons. Nous cédons à la raison (ou pensée) qui triomphe, qu'elle soit subite et efficace ou qu'elle intervienne après une délibération (interne ou pas) plus ou moins longue.<br /> En bref, conformément à Spinoza entre autres, nous obéissons à cette (dernière) raison ou pensée.<br /> <br /> Or, il se trouve que si une pensée triomphe, si elle devient raison, justifiée, c'est sous les couleurs générales d'un bien. C'est en tant que bien. Ce bien n'est pas forcément, immédiatement moral, mais il le devient rapidement. Il s'agit toujours du bien de l'auteur de la pensée ou d'autrui, et ce bien concerne essentiellement le devenir, l'image de l'auteur de la pensée ou d'autrui. Sa valeur.
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