Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 864
31 mai 2010

De la VOLUPTE

"Diva voluptas" s'écrie Lucrèce au seuil de son hymne à Venus. Divinité de la volupté! Qui, aujourd'hui, oserait sérieusement parler d'une divinité de la volupté? On glorifie de toutes parts la jouissance, chacun tente désespérément d'en repousser les limites infrangibles avec tous les gadgets imaginables, mais la réalité impose tôt ou tard sa loi d'airain : la jouissance est bornée par les limites du corps, et au delà c'est la maladie, la folie ou la mort, en tous cas une sorte de perversion de l'illimité, où toute loi humaine finit par sombrer. C'est donc de tout autre chose que nous parle l'épicurisme. La quête du plaisir est naturelle, et nécessaire en même temps, si l'on veut maintenir l'équilibre vital. L'anorexie fournit un merveilleux contre exemple: le besoin naturel de nutrition se voit perverti par une demande de reconnaissance infinie, qui finit par tuer le corps: on n'est jamais suffisamment maigre : ne reste que le cadavre exsangue et décharné pour représenter l'objet du désir. Mais revenons à la volupté. Plaisir naturel et nécessaire disait Epicure. "Je bois de l'eau, me voilà l'égal de Zeus" Et en effet, s'il ne s'agit que de satisfaire un besoin l'eau fait parfaitement l'affaire, mieux que la bière ou le vin. Un cruchon d'eau plate, une olive, un bout de fromage : cela suffit à faire la vie "divine" puisque, satisfaction obtenue, nous n'avons plus rien à envier à Zeus en personne. On dira que c'est là maigre pitance, que le besoin n'est pas le désir, que si le besoin est aisé à satisfaire il en va tout autrement du désir, qui semble illimité par essence. Mais rien ne nous interdit d'y ajouter des plaisirs naturels et non nécessaires, de goûter au vin à l'occasion, de varier les plats, de faire des exercices psychophysiques, d'apprécier les spectacles et de se livrer aux délices d'Aphrodite. Tout est affaire de jugement. On ne condamne certes pas la sexualité, puisqu'elle est la vie même, mais on met en garde contre la recherche éperdue de la jouissance, qui mêne aux pires excès, et surtout à la dépendance mentale.

Lucrèce parle abondamment de la vie sexuelle : "divine volupté". Et par là que désigne-t-il? L'amour? Pas le moins du monde. Peu d'auteurs sont plus cruels et féroces que Lucrèce pour se rire et se lamenter des alarmes et des tourments de l'amour : passion folle, ridicule, enchaînement des corps et des âmes, supplices de l'attente vaine et de la frustration, illusions de beauté, de perfection, de reconaissance, esclavage, stupidité, tout y passe. L'amour détruit la liberté et ruine toute chance d'indépendance. Mais précisons bien qu'ici Lucrèce parle de la passion amoureuse, et nullement de la sexualité en tant que telle. Tout au contraire on trouve des pages d'un réalisme physiologique et psychologique étonnant dans ce texte tout frémissant d'ardeur voluptueuse. Désirer un beau corps, se livrer corps et âme aux joies de la caresse et de l'orgasme, se laisser aller au plaisir intégral d'une belle et saine exigence sexuelle; quoi de plus simple, de plus naturel, de plus agréable. Et de ce point de vue la volupté est facile à atteindre: la voluptas "vagivulga " ( vagabonde, errante, déliée) fera très bien l'affaire : on se décharge et on s'en va. Point d'attachement, point se dépendance, point de passion, rien que la libre libido naturelle. Epicure était favorable au mariage, paraît-il, mais on devine pour quelles raisons. Certainement pas par conformisme moral. Lucrèce préfère ostensiblment les passes honnêtement exécutées. Gardons-nous bien de juger. Les Anciens ne semblaient pas souffrir comme nous de contention surcompensée par la frénésie passionnelle.

La volupté est divine parce qu'elle est l'équilibre même, restauré dans la satisfaction intégrale de l'organisme psychophysique. Rien de plus simple, de plus évident, de plus direct. Les dieux, les hommes et les animaux enfin égaux dans l'exigence et l'obtention du plaisir. Rien au delà. Les fantasmes et autes simulacres (voir mon article) ont beau nous séduire : il n' a rien de plus à espérer que la volupté. Tout dogmatisme qui enseigne de plus hautes exigences est charlatanerie, à commencer par l'espérance de quelque paradis céleste ou quelque vie immortelle.  Désir et satisfaction : caresses, gâteries et chateries. Voilà de quoi réjouir nos corps et libérer nos âmes. Les autres désirs ne sont qu'illusions de l'infini.

Et puis ne l'oublions jamais : pas de vrai plaisir sans l'amitié. Pas de vrai plaisir (pour l'homme tout du moins) sans l'exercice d'une pensée exigeante qui sait poser partout le principe de réalité. La grande leçon de l'épicurisme, qu'on partagera ou pas, c'est que nature et volupté vont de paire, que réalité et plaisir s'accordent dans l'harmonie d'un esprit pacifié. Hors de quoi on est dans l'Hubris.- la Démesure.

Publicité
Publicité
Commentaires
G
Merci, chère Madame pour votre intérêt. Pouvez vous m'en dire un peu plus sur cette fête? D'autre part je voudrais que me disiez exactement quelle partie du texte vous désirez publier, et de quelle manière?<br /> GK
Répondre
L
Monsieur guy Karl<br /> <br /> nous aurions voulu votre autorisation pour exposer une partie de votre texte sur la volupté lors de notre prochaine exposition d'orchidées en mars 2011.<br /> <br /> est-ce que cela est possible ?<br /> merci d'avance<br /> anne lagoutte
Répondre
Newsletter
154 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité