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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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11 août 2021

YAVANA - De Patrick Carré

 

C'est un livre merveilleux que je ne me lasse pas de relire : "Yavana" de Patrick Carré. Yavana c'est le Grec (Ionien) ainsi nommé par les habitants de l'Inde qui voient déferler sur leurs villes des hordes d'étrangers blonds, casqués, armés de fer, avec à leur tête un jeune homme inflexible, impitoyable, décidé à imposer en tous lieux son autorité "divine". Roman historique et politique, peut-être, car enfin le lecteur voyagera d'Elis à Athènes, de Tyr à Babylone, de Persépolis à Taxila - et retour - en compagnie des généraux, des conseillers du prince, mais surtout, et c'est là l'intérêt inépuisable du livre, de la confrérie des philosophes qui entourent le monarque : au premier chef Anaxarque, démocritéen résolu, théoricien du kaïros ; Onésicrite, disciple de Diogène ; Callisthène, neveu d'Aristote qui veut influencer Alexandre selon les vues de son oncle ; Et Pyrrhon bien sûr, alors un jeune homme, épris de sagesse, épris d'espace, qui s'en remet à Anaxarque pour son éducation philosophique, avant de rencontrer, quelques années plus tard, un sage hindou, mystérieux et libre, que les Grecs appellent Calanos.

On s'y croirait ! Le récit de l'expédition militaire, que Pyrrhon aura suivie dans son intégralité, est tissé e'n contrepoint d'un autre, qui présente le retour de Pyrrhon à Elis, ses retrouvaiilles avec sa soeur et son ami, la formidable gloire qui entoure le vétéran, gloire ambigue qui ne va pas sans jalousies, coups fourrés et trahisons, mais suffisante à le voir nommé Grand Prêtre d'Hadès. A son retour Pyrrhon a quarante ans, il vivra encore cinquante ou soixante ans. En pleine possession de sa propre philosophie il s'essaie quelque temps à enseigner, mais ses propos sont si étranges, si énigmatiques et dérangeants qu'ils ont dû faire fuir la plupart, alors que de rares jeunes gens s'attachent à lui, dont la tradition a conservé les noms : Nausiphane (qui a exercé une certaine influence du Epicure), Timon (dont nous possédons quelques bribes de poèmes satiriques).

Diogène Laerce, de son côté, écrit :"Il faisait retraite et vivait en solitaire, se montrant rarement à ses proches. (...) Souvent il partait en voyage, sans prévenir personne et il s'en allait rouler sa bosse avec des compagnons de hasard" (IX, 63) Patrick Carré nous invite à imaginer un Pyrrhon, lassé des bassesses et de la foire des opinions, se retirant dans la forêt, et, à la manière des saddhus indiens, vivant de rosée et de lumière. Pyrrhon est manifestement le plus oriental de nos philosophes, et si nous avons tant de peine à le comprendre, si tant de fois sa pensée est caricaturée et moquée, c'est que nous nous obstinons à l'interpréter avec les catégories logiques de l'hellénisme, qui ne sauraient convenir à faire sentir l'inexprimable. Quand il prône l'insaisissabilité de toutes choses (akatalepsia) il faut prendre la formule à la lettre : toutes nos "saisies" ne sont que billevesées et poursuite du vent.

 

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Commentaires
D
Merci pour cette engageante invitation à découvrir ce livre...
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