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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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26 août 2021

DU SAVOIR APRES COUP

 

Il y a de la noblesse, assurément, à ne point prétendre parler de tout, se mêler de tout, juger de tout. Outre que nul n'a les moyens d'une telle suffisance, c'est d'un ridicule achevé que de faire le savant quand on considère les effets du mouvement universel. A peine avez-vous pris la parole que votre sujet s'est métamorphosé, et qu'il coule comme de l'eau entre vos doigts. Nous sommes toujours en retard, tentant laborieusement de combler la faille : un après-coup qui, comme le lièvre de la fable, ne rattrappe jamais la tortue. Oui, "il faut partir à temps", mais c'est cela, précisément, qui est impossible, parce que ce "temps" est passé quand on en prend conscience. Pour éteindre un incendie il faut déjà avoir perçu l'incendie, et le temps de prendre ses dispositions la moitié du bâtiment est déjà partie en fumée. On peut certes s'entourer de précautions pour l'avenir, élaguer les sous-bois par exemple, mais au total on n'empèche rien : chaque été apporte son lot de catastrophes. La chose est particulièrement évidente en matière de climat. On sait, on croit savoir, on prétend corriger la tangente fatale qui mène à l'asphyxie, mais au fond on n'y croit pas : savoir sans conviction qui n'inspire aucune résolution, si ce n'est de parade, et c'est donc le réel qui fera effraction, nous laissant sans ressources. Après coup nous dirons : "il y avait pourtant des signes avant-coureurs, comment se fait-il que nous n'en avons tenu aucun compte" ? Nous laissons à nos enfants un monde (un im-monde) qui n'est qu'une vaste pétaudière.

Mesurant l'étendue de mon ignorance je me garde bien de pérorer sur des sujets, pourtant réputés philosophiques, aussi inconsistants et branlants comme l'âme, l'univers, Dieu, le temps, la liberté, et autres de même farine. Dans ces abstruses considérations on ne sait jamais de quoi il retourne, ce ne sont que des émissions vocales auxquelles ne correspond aucune réalité. Ces notions ont surtout servi comme machines de guerre oppressives contre les schismatiques et sceptiques, les mécréants et libertins de tout bord. Quoi de plus affligeant que le spectacle des persécutions menées au nom d'un dieu dont on prétend interpréter la volonté, lui qui n'a jamais parlé à personne ? Qui êtes-vous pour dire : c'est la volonté de dieu, auriez-vous par hasard accès à son laboratoire privé, vous a-t-il désigné, élu entre tous, à quel titre - et de quel droit persécutez-vous ceux qui ne pensent pas comme vous ?             

Je me suis donné, il y a longtemps déjà, pour règle ferme, de ne parler que de ce dont j'ai fait l'expérience. Si j'emprunte à l'occasion quelque citation de ci de là, c'est à titre d'inventaire : ce que dit untel ne vaut que par la vérification personnelle. Dans ce domaine où je me débats depuis tant d'années il n'existe aucune autorité qui vaille pour moi, si ce n'est la mienne. Il faut conclure de là qu'elle n'engage personne d'autre : dans la pensée et dans la poésie chaque créateur est pleinement souverain. D'où aussi cette conséquence moins attendue qu'il est impossible de juger sérieusement une oeuvre, ni la sienne propre faute d'objectivité, ni celle d'un autre, dont les fondements nous échappent. Reste une autre souveraineté, qui est encore la même, celle du goût. De quelque manière qu'on s'y prenne on débouche toujours, au moment crucial, sur cette instance énigmatique, indéfinissable, que nous appelons le sujet.

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