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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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20 avril 2021

"LA JOIE DANS HOMERE" - en souvenir de Clément Rosset

 

Lorsque j'eus la chance de rencontrer Clément Rosset il était en villégiature sur son île majorquaise. Il nous reçut fort civilement, nous offrit du gin tonic, et nous bavardâmes de choses et d'autres, fort banales au demeurant. Chaque fois que nous tentions une approche philosophique ce diable d'homme se dérobait poliment, pour revenir aux considérations les plus anodines. Toutefois je pus glaner deux informations précieuses. La première tenait en un récit qu'il fit d'une noyade récente, dans laquelle il avait sombré, flottant de longues minutes dans une inconscience complète, sans douleur ni angoisse, dont ses amis le retirèrent pour le ramener à la rive. "Pourquoi m'ont-ils tiré de là, ces ostrogoths, me forçant à reprendre pied dans une réalité que j'avais quittée si aisément ?"- C'est à peu près ce qu'il nous dit ce jour là. J'appris plus tard qu'il en avait fait un récit, publié depuis.

La seconde nouvelle c'était son projet d'écrire un article sur "La joie dans Homère". Souriant de ce sourire coquin et malicieux qui n'appartenait qu'à lui, il nous montra un dossier - mais si mince, si plat qu'on pouvait se demander s'il contenait la moindre feuille ! En tous cas le travail n'était guère avancé ! Et moi j'étais saisi, je m'en souviens très bien, par une grande perplexité : la joie dans Homère ? Mais on y trouve plutôt des douleurs infinies, du sang et des larmes, meurtres, massacres, haine et vengeance ! Où donc est la joie, une joie qui ne serait pas l'exaltation d'une victoire arrachée sur le corps des vaincus ?

Je dois bien avouer que ma connaissance d'Homère est des plus fragmentaire. J'apprécie l'Odyssée bien plus que l'Iliade, qui nous présente un monde extrèmement violent d'où l'humanité se dégage très difficilement. Je me sens plus proche d'Ulysse pleurant sa patrie perdue, encore que lui aussi ne manque ni de sauvagerie ni de cruauté. Mais enfin il faut prendre les choses comme elles sont : l'époque est effroyable, les moeurs barbares, les hommes violents. Et malgré tout cela, j'ai trouvé ce passage, qui aurait séduit, je suppose, notre cher Clément :

         "Il n'est vraiment rien de plus beau que d'ouïr un aède

           Pareil à celui-ci,  que sa parole égale aux dieux ;

         Oui je le dis bien haut, il n'est point de meilleure vie

         Que lorsqu'un peuple entier se laisse entraîner par la joie,

         Que les convives dans la salle, assis en longues files,

          Ecoutent le chanteur devant des tables bien garnies

          De viandes et de pain, et que, puisant dans le cratère

          L'échanson vient offrir le vin versé dans chaque coupe.

          Voilà quelle est, à mon avis, la chose la plus belle.

                                              (Odyssée, IX, début)

     

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Commentaires
X
Un récit de noyade qui n'est pas sans rappeler un peu le voyage dans l'Interzone de Burroughs et du bon docteur Benway...
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S
Cher Guy,<br /> <br /> <br /> <br /> Il est fort à parier que les nourritures terrestres et autres agapes éloignent tout daimon qui préside au cours d’évènements malheureux. Notre appétit pour les mets délicats ne peut que faire taire toute forme de déterminisme ou autre fatum.<br /> <br /> <br /> <br /> La joie de se sentir vivant en somme !<br /> <br /> <br /> <br /> Sibylle
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