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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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16 mars 2020

FAIRE RETRAITE : de la décision philosophique

 

Nous voilà tous reclus entre nos quatre murs. Expérience insolite, douloureuse, angoissante pour beaucoup. Il était si agréable de fuir nos problèmes, ou de les aérer, batifolant et musardant. Plus d'un, j'en ai peur, va se recroqueviller et déprimer, excédé de solitude et d'ennui. Comment ne pas songer à la remarque de Pascal : "j'ai découvert que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre" (Pensées : 139)

Mais ce propos est contre nature. J'aime certes ma table, mes livres, m'adonner aux plaisirs et soins domestiques, mais ce n'est là que la moitié de la vie. Si Pascal avait raison le sort du prisonnier serait enviable, ce que nul ne soutiendra.

Le mouvement et le repos, également nécessaires, se conditionnent l'un l'autre. Nous les aimons et cultivons tous deux, et par là notre vie peut prospérer et s'élever - à la condition qu'un troisième terme, le désir, porte et entraîne le tout.

Cette situation insolite où nous plonge l'épidémie, je veux y voir l'occasion d'une expérimentation philosophique, plutôt qu'une raison de gémir. Me voilà confiné chez moi, soit, je n'y puis rien, au moins puis-je décider de la gestion du temps, des occupations et des loisirs. C'est un rétrécissement spatial, d'abord, que je puis transformer en resserrement : ne pouvant fuir dans les avenues, les tavernes, les cinémas, les salles de concert, concentrons-nous, revenons à nous, et comme disaient les Anciens, prenons soin de notre âme, formule admirable mais qu'il faudrait un peu dégrossir et réactualiser.

Faire retraite, car si la retraite est en quelque sorte imposée du dehors, elle peut se reprendre par et pour soi, en une décision volontaire : je décide de faire quelque chose de personnel avec ce que l'on m'a imposé. Cette décision change tout.

Mais aussi, elle ne fait que confirmer une disposition plus ancienne : depuis bientôt vingt ans, je vis pour l'essentiel dans mon activité d'écriture. Bien sûr j'anime des café-philo, j'assiste à quelques conférences, je vais parfois au cinéma, mais j'ai depuis longtemps pratiqué ce resserrement philosophique où je cultive l'essentiel : impossible de le pratiquer ailleurs, car, selon mon expérience, si les dialogues sont essentiels à l'essor de la pensée, ils ne sauraient se substituer au travail personnel de clarification et d'approfondissement.

Retraite philosophique donc. J'ai failli écrire retraite spirituelle, mais je me suis repris. Cette expression charrie inévitablement des relents religieux qui m'insupportent. Et puis, plus fondamentalement, je ne crois pas du tout qu'il existe quelque chose qui puisse être désigné comme "spirituel". Le spirituel est ce qui désigne l'activité de l'esprit (mens ou animus), lequel n'est en rien distinct de l'"intellectuel" ou du "psychique". C'est plus qu'une querelle de mots, c'est une décision philosophique : je ne sache point que l'être humain, tel qu'il est, puisse accéder à quelque connaissance surnaturelle qui l'approcherait de la nature divine.

Ainsi donc méditons, lisons, écrivons, dynamisons le corps et l'esprit par des exercices psychophysiques, dormons et rêvons, soyons actifs et forts dans la tempête, en un mot, vivons tant qu'il est possible, d'autant que l'avenir est plus incertain que jamais.

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