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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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20 janvier 2020

SOI : de la spontanéité

 

 

Soi : ce n'est pas un état, mais un mouvement - et miraculeusement, la grâce d'un instant, le plus fugitif qui soit au monde, et pourtant l'essentiel. Ce qui, en un éclair, justifie tout le reste.

Tout ce que nous cherchons dans nos égarements, dans nos extases et nos passions, courant et roulant, titubant ou batifolant, se résume au bout du compte à ceci : se retrouver après s'être longtemps perdu. C'est l'essence véritable du désir, mais le plus souvent nous n'en savons rien, haletant après les mirages, ou nous fracassant sur les murs. Qui comprend cela est à moitié sauvé.

Bien sûr nous sommes des êtres sociaux, nous nous édifions en relation avec l'autre ; mais nous nous contrefaisons aussi, empruntant de ci de là quelque frusque à laquelle nous collons un temps, avant de la jeter aux orties. Nous allons vacillant, errant d'identification en identification, cela est inévitable, cela peut durer toute la vie sauf si, par un retournement fantastique, le sujet trouve soudain la voie vers sa vérité.

Il n'est pas question de se dresser superbe et solitaire comme un phare au-dessus de la mer, mais de trouver le juste équilibre, dans la tension entre la socialisation et l'individuation, jouant autant qu'il faut le jeu social, et s'aménageant, par devers soi, une retraite inexpugnable. S'il était bon, en théorie, d'être soi partout et en tout temps, la prudence, et la civilité nous en détournent, et c'est là, très souvent, de bonne politique. Si bien que l'on ne serait soi que dans la solitude, la méditation, l'écriture et la rêverie. 

Oui, mais dans la solitude même, si l'on n'y prend garde, on peut importer, par ignorance ou négligence, des images et des idées de contrebande que l'on croit siennes, qui séduisent ou égarent. Tel se retire au fond des forêts, pour goûter la solitude du sage, et se retrouve hanté de mille chimères fantasques : il reviendra bien vite se rouler dans la futilité et l'agitation pour distraire sa misère.

Montaigne, retiré dans sa tour l’avoue tout net : son esprit fait « le cheval échappé » : il faudra lui donner quelque occupation sérieuse pour le ficher et le domestiquer. La spontanéité immédiate n’est que désordre, elle n’enseigne et ne crée rien de valable. Il faudra passer par l’étude, l’examen attentif, la réflexion patiente et assidue pour forger et former un esprit acéré qui sache démêler l’essentiel de l’accessoire. Le sujet, en sa vérité, est le fruit tardif d’une longue ascèse.

Alors, peut-être, pourra-t-il gagner cette paradoxale spontanéité, qui est l’expression authentique de soi : il faut beaucoup de temps au violoniste pour atteindre la perfection de son art. Mais alors tout semble couler de source, facile et léger, merveilleusement fluide.

 

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