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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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7 octobre 2010

INDIVIDUATION et INTEGRATION : psychologie et métaphysique

Me voilà devant une redoutable aporie : comment concilier le mouvement personnel vers l'individuation et une nécessaire intégration sur un plan englobant, plus vaste, à la dimension à la fois symbolique et universelle?

Le sujet humain est tiraillé par deux exigences apparamment contraires. D'une part il est condamné à s'inscrire dans une culture, s'adapter à des normes externes pour se socialiser, ce qui implique une sorte d'aliénation à autrui. L'ordre symbolique commandera son entrée dans le monde sous les espèces de la langue, des coutumes, des obligations, des héritages, jusqu'à son identité sexuelle et sociale. D'autre part il est appelé à devenir un sujet autonome, singulier, porteur d'un désir propre, qui pour s'affirmer doit inventer un mode d'expression original dans le cadre d'une structure communautaire. Etre à la fois soi-même et différent de soi. Voilà qui n'est pas simple! S'adapter aux normes sans les adopter. Créer son être et son espace propre sans s'aliéner dans la psychose, en conservant et cultivant des liens  sociaux, et si possible, en exerçant quelque fonction socialement utile. Jouer sa partition singulière dans un orchestre commun qui exige des concessions et des actes de collaboration. Ce paradoxe ne peut se résoudre sur le plan logique, il est l'oeuvre progressive d'une expérience réfléchie, d'un travail de conscience, d'une résolution éthique.

Rester soi sans rompre totalement avec le corps social, voilà la question. Mais cela est possible puisque cela se fait, à la vérité souvent plus mal que bien, mais cela se fait. Freud dirait : aimer et travailler. Le prix à payer dans la plupart des cas est une névrose chronique, mais Freud encore : "cela n'empêche pas d'exister". Souvent le seul recours, pour préserver la santé et trouver des solutions moins onéreuses que la névrose est la psychothérapie, avec des résultats plus ou moins heureux. Mais la psychothérapie ne peut pas tout : à défaut de solution elle donnera des rémissions, ou des compromis. Le sujet humain semble destiné, quoi qu'on fasse, à boiter, louvoyer, comme on dit, entre Charybde et Scylla.

Cet arrangement pratique suffit à la plupart. Mais le problème peut se repenser à un tout autre niveau, selon l'esprit de la philosophie. Se référer à l'ordre symbolique est nécessaire au sujet humain, sexué et mortel, mais ce n'est là qu'une dimension de l'existence, et par certains côtés la moins plaisante.

Toutes choses sont issues de l'Apeiron et y retournent. Fondement absolu, archè, origine, l'Apeiron est ce qui fait naître et mourir, dans la succession infinie des générations. Il est toujours là, quoique invisible, insaisissable et inconnaissable. Procéder de l'Apeiron signifie entrer dans la danse cosmique, au titre de chose séparée, individuée, mortelle. Tel est le statut de tout qui existe. Le sujet humain s'individualise, s'affirme comme il peut dans la nature naturée, au mileu de ses semblables, voué aux passions de conservation, d'attraction et de séparation. Mode fini de la nature infinie. Souffrance et joies de l'individuation. Mais le désir demeure de réintégrer le Tout, de se fondre dans l'infini. Certains se précipiteront dans la mort volontaire, d'autres vont régresser sous divers modes vers la sauvagerie native ou la barbarie, s'animalisant à outrance dans un refus absolu de la culture humaine et de ses lois. C'est le chemin du bas, mauvais chemin. Les grandes traditions offrent d'autres perspectives : l'Atma personnel doit se perdre et se retrouver dans l'absolu du Brahman, voie des Upanishads. Le moi doit se désintégrer dans la conscience lumineuse du Nirvâna : voie bouddhique. Contempler le Grand Fleuve du Devenir, s'absorber dans le flux immanent des choses conduites par le Logos universel : voie héraclitéenne. Se comprendre comme mode fini de la Substance infinie : voie spinozienne. Etudier les lois de nature, vivre selon la nature, "comme un dieu parmi les hommes" : voie épicurienne. Ces voies ne sont pas identiques, ne proposent pas les mêmes schèmes de pensée ni les mêmes pratiques. Mais toujours se propose une vision englobante, chemin du haut, par quoi le sujet se réfère au fondement absolu.

Pour ma part je ne saurais croire aux religions traditionnellees, toutes gangrenés dans leur principe même. Je refuse les pratiques sacrificielles et rituelles, les adorations et mortifications, le dénigrement du corps, la séduction du sacré. Certaines traditions nous mettent sur la voie, mais le plus souvent elles nous obscurcissent au lieu de nous éclairer. Je prétends intégrer totalement les données de la science et de la modernité pour repenser le fondement en des termes totalement nouveaux.

Cette révolution mentale est aujourd'hui possible, et nécessaire. L'homme peut réapprendre sur de nouvellers bases ce qu'est le règne de la nature et s'y rapporter de manière compréhensive. Il y faut une nouvelle terminologie qui marie la connaissance scientifique à l'inspiration originelle de la philosophie. Je propose la Surface Absolue comme référent fondateur, englobant anonyme, impersonnel, immanent, éternel, délivré de toute représentation de valeur et de finalité, mais où l'homme, plus conscient et mieux éclairé, pourrait construire une civilisation vivable. J'ajouterai à titre personnel que c'est la seule chance de survie rationnelle pour notre espèce de toutes parts menacée.

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