LIGNES du TEMPS : Hymne
La ligne du temps est brisée
Bifide, langue de serpent.
Ils posent un point zéro
Ils croient que le cumul avare
Dessine l'embellie magnifique
Rejoigne au loin le ciel.
Ils construisent les tours d'orgeuil,
Des habitacles sous la mer,
Ils croient que les choses s'avancent
Comme avancent les fleuves.
Les tours craquent
Les fleuves se perdent dans la mer.
Non, le temps ne va pas, il retourne
A la source, il échange ce qui va et ce qui revient.
Ce qui croît, toujours il le ramène
A l'origine.
A la source revient le temps, il s'y plonge, s'y dissout
Il rêve de rester, longtemps, de demeurer, de reposer,
Mais le destin l'entraîne vers l'aval
Se perdre dans les sables, et tantôt,
Creusant la pierre, pliant de force les rochers
Il fait les belles carrières, les vallées opulentes,
Marbre de gloire, avant
Qu'un soc hostile les fracasse
Dispersant les colonnes. Ainsi
Sur le sol hellène, Medea,
Qui fut jadis sanctuaire du dieu
N'est plus que pauvre lieu
Pour chèvres maigres au poil dru, aux yeux perclus.
Ailleurs pourtant Athènes recommence ...
Tout va, tout revient. Ne courons point, restons
Au plus près. Et s'il faut bien descendre la pente
Marcher d'aval, et décliner,
Que l'âme soit d'ailleurs, infidèle,
Insensible au déclin, pour rester près du sobre lieu,
Tout à l'orée, d'où la lumière coule.
Interstice admirable, où le jour
Se déchire de la nuit, source, orée, aube du monde,
Et reposoir,
Ici, poète, est ton séjour
Proche et loin des mortels oublieux.