BLANCHEUR MUETTE (fin du Livre1)
22
A l’imposture voués
Nous rêvons les yeux ouvert
Le rêve est notre mort.
23
Pluie tombe, pluie
Pluie de suie
Surtout ne pense pas !
Un pas blanc
Glisse dans la pluie de la nuit
Surtout ne pense pas !
Aux lèvres du cœur un cri
Trahi
Tisse avec lenteur
Ton linceul à la nuit.
24
Le blanc, ventre du monde
Tout au fond
Le tunnel déchire sa gueule
Noire-blanche
Fantômes passent
Linceul de suie.
25
Pourquoi
Pour qui parler encore
Les mots dérapent
Cailloux blancs
Au lit de la rivière
La faille
Enigme sans réponse
Dévore tous ses enfants.
26
Soyeux le temps glisse
Aile blanche
Souffle sur nos tumeurs
Il passe
Il ne passe jamais.
27
Hors du trou de la terre
Jeté
J’ai un grand trou
Qui me mange le ventre
Je suis au trou
Mitard
Cafards
Les murs suintent de larmes
De sperme et de crachats
La grille au-dessus de ma tête
Avale un ciel blafard
Très loin
Très loin peut-être
Par-delà tous les toits du monde
Les astres rient de nos souffrances
Astre noir, trou noir.
28
Je suis
Je ne suis pas
J’ai mal au cœur
Comme un héros d’Homère
J’ai dévoré mon cœur
Rien ne saigne
Tout baigne
29
Matinalement
Quand traîne un peu ton sourire
Au val de tes joues
Prolonge encore un peu la nuit
Avant l’épée du jour !
Déjà
Tu es si loin de moi, si loin
Que je ne saurais te prendre la main
La porter à mon visage
Mouillé des pleurs d’amour.
30
Là
Au gui l’an neuf
Je réinvente ma guitare
Tressée dans un buis d’épines
Rose givrée de vraies larmes
Croix du matin
Les Heures sont mes compagnes de fortune
L’éternité mon blason.
31
Face à la mort
L’échine ferme et droite
Je dissous le désir de savoir
L’origine et la fin
Entre l’urine et les fèces
Nous naissons, nous mourons.
32
Je n’aime plus guère
De vivre
Je voudrais simplement
Respirer
Comme un chêne immobile
Que les heures s’écoulent comme pluie
Et puis m’éteindre doucement
Au petit matin blanc.
33
Horreur et beauté
C’est le même
Le cri
Pulvérisé à la face du ciel
Ne déchire que nos désirs
Et notre effroi nous l’habitons
Si fort
Que le miroir disloque notre corps.
Dans le regard
S’incurve et nous revient
Le tableau lacéré de nos peurs.
34
In-
Quiétude
Quand tu nous tient
Je pisse mes reins
J’éructe mes entrailles
Je n’ai de l’unité
Que la vision mystique
Du coït infini des étoiles
Mais nous
Sans socle, sans colonne
D’heure en heure, pierre à pierre
Interminablement
Nous coulons
Dans la faille sans nom
35
Un creux
C’est paraît-il le sexe de la femme
Au fond de la caverne
Une grange abandonnée
Puits asséché
Pourrit selon l’ordre du temps
Colonne
Fracassée, l’homme ne soutient plus
L’ancienne gloire solaire
Dans le vide cosmique
Bas et haut, homme et femme
Hier et demain
Tout s’égalise
Dans l’indéterminé.
36
Rien
Mot de l’origine
Mot de la fin
Entre les deux
Les spasmes de sanglot
Des regards qui se lèvent, qui se couchent
La barque d’Osiris sur le Nil de nos rêves
Paupières qui frémissent
Rires, larmes qui sèchent
Et le couteau, et la césure et le garrot
Tout passe et rien ne passe
Rien ne se passe
Rien
Eternité du rien.
37
Dans la grange
J’ai passé quelques mois paraît-il
Je ne m’en souviens pas.
La grange est livrée aux termites
Aux orties
Laborieuse, incessante ordalie
Moi
Je suis un rêve nu
Sur un drap blanc
38
Instant nu !
La flèche qui transperce le cercle
Pulvérise tous les temps !