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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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21 juillet 2015

DU PLAISIR : Le principe et la fin. - EPICURE (texte complété)

 

Epicure écrit : "le plaisir est le principe et la fin de la vie heureuse". Il est en fait assez difficile de rendre la richesse du texte grec : archè kai télos. Archè c'est le début, mais plus profondément ce qui est au principe, à l'origine, et qui continue d'agir et d'inspirer l'action tout au long du processus, un principe qui commande et ne cesse de commander. Le plaisir est ce principe et ce commandement puisqu'il est incrit dans la disposition de l'être vivant qui se tourne spontanément vers le plaisir en fuyant la douleur. C'est le plaisir qui ouvre l'espace de la vie, et c'est bien ainsi que Lucrèce ouvrira son grand poème par une invocation à Vénus, dès le premier vers, qui chante la "volupté des dieux et des hommes" - Venus gubernans - sans laquelle rien n'eût pu voir la lumière du jour.

Telos c'est le terme, la fin, mais aussi, et d'abord l'achèvement. Quand l'oeuvre est accomplie le terme est atteint de lui-même. Ainsi, quand nous éprouvons du plaisir la "fin" de la nature est atteinte, ce qu'elle nous enseigne comme canon de la conduite, la vie bienheureuse : la vie atteint sa fin, sa visée interne, s'épanouissant dans le beau fruit la joie et de la grâce. Rien à espérer au delà, aucune augmentation, aucun "plus - cette obsession macabre de l'homme contemporain - tout juste peut-on "varier" et faire varier la sensation et l'expérience. Leçon de mesure : "rien de trop" signifie ici : rien d'autre que ce qui se profile et s'ouvre comme plaisir "naturel et nécessaire". Le principe génératif et impératif c'est le plaisir ; la finalité atteinte, l'accomplissement de la loi de nature, c'est le plaisir. Origine et fin du cycle.

On pourrait traduire à présent : "le plaisir est le principe directif et l'accomplissement de la vie heureuse". Mais c'est là plus une exhaustion qu'une traduction.

La vie heureuse ("macariôs zen" : vivre bienheureux) serait une succession de cycles de plaisir, tendant à effacer leur raccord, de manière à établir une sorte de continuum sensible, à l'image de la vie divine. Mais l'homme n'est qu'homme : tout programme de vie heureuse nécessite plus et autre chose que la simple décision. De cela nous en savons un peu plus aujourd'hui, qui mériterait un nouveau développement.

Epicure insiste sur le raisonnement : la philosophie est cet exercice du jugement qui permet d'écarter les fausses opinions sur la nature, les dieux et la mort, mais aussi sur les illusions de l'amour et des passions. Tout cela est excellent, mais peu réaliste. Il faudrait aujourd'hui compléter les remarquables intuitions épicuriennes par les apports critiques de la psychanalyse. Par exemple : Epicure déclare "vides" (kenoi) les désirs non naturels et non nécessaires. C'est très juste, car l'objet du désir est bel et bien ce "non objet", ce déchet, cet inconnu inclassable et baladeur que Lacan note comme "objet a" - résidu métonymique toujours manquant, toujours déplacé, présent-absent, évanescent et revenant, toujours frustrant. Cela signifie clairement que la pensée n'est efficace, ne peut faire son travail d'analyse ( analyse= déliaison ) qu'à la condition de sonder les pouvoirs de l'imagination. Ce résidu épinglé plus haut n'est pas le fruit de quelque extravagance subjective, ou d'une erreur de raisonnement, il est très exactement structurel, découlant nécessairement de la nature du langage, qui, inscrivant le sujet dans les défilés de la langue, laisse choir ce quelque chose, reste hétérogène, scorie et déchet, à la fois symbolique et réel, qui va hanter l'imaginaire, nourrir les fantasmes et les rêves, pré-occuper le sujet tout au long de sa vie, voire le manipuler à son insu - On voit que seule une analyse structurale peut en rendre compte, et fournir quelque compréhension d'un processus pour lequel il n'existe pas de solution définitive : inutile de refouler, ça revient. Quant à l'éliminer il n'y faut pas songer. Reste à cohabiter, laissant la "chose" de côté dans son propre domaine, et pour le reste s'en soucier le moins possible

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