Le réel éclaté LIVRE III- poésie 14
LIVRE III : FRACTURES
I
La parole, l’aventurière, la jolie voyageuse, coureuse de sous-bois – ô flûte traversière,
Quand donc la suivrons-nous, qui jaillit d’avant nous, primesautière et prometteuse ?
Comment la rejoindre, la très avancée, porteuse de notre aval ?
Ah le pas diligent, jambe preste, regard léger
De celui qui s’en va, au-devant, s’oubliant, se trouver ?
II
Dans la nuit noire
Tache de sang coagulé
La lune
III
Un aigle tournoie sur la cime
Et toute la montagne
Sur moi dévale
IV
Entre le tronc et la feuille
Entre deux fleurs de notre amour
Invisible, la Faulx
V
Du berceau à la tombe
De la tombe au berceau
Même route
VI
Saint Michet guerrier d’aurore
De ta lance tu le transperces
Mon double
VII
Sa gueule à chaleur de serpent
Cautérisée
Au sol se couche
VIII
Réveille–toi, meunier d’orage
L’ange, le jour
Tout le ciel par la porte
IX
Brise que dis-tu ?
Le long des berges de l’aube
La première alouette
X
Le fil du petit jour
Colombe, lame blanche
Eveil
XI
Matutinal
Je rêve auprès des fleurs
Ouvertes
XII
Le pin hiératique
Aux pieds de la montagne brune
Ah quel silence dans le cœur !
XIII
Entre les pins
Flèche de quel soleil
O mon amour !
XIV
Bouquet dans la barque de mousse
Et tes cheveux
Broussaille de soleil !
XV
Comme un peu de buée
Pleurs de rosée
La pluie évaporée
XVI
Cyprès, quel songe vous habite ?
Sur l’autre rive
La joie, son timbre d’or.
XVII
Poésie, beauté fière
De ce qui luit en s’écoulant
XVIII
Qui chevauche le vent
Plus fou de jour en jour
Coursier d’amour ?
XIX
Le sage et le poète
Danseurs de corde et de ripaille
Ivres toujours.
XX
Poètes, beaux chasseurs de réel,
Caustiques, graveleux, opiniâtres,
Affûtez votre dague
Courez les bosquets insidieux
Ecorchez vos genoux sur les sentes
A la rosée mêlez votre sueur,
Le doux mélange des substances
Le doux humus où vous vous répandez
Feront naître des fleurs !