Le réel éclaté LIVRE IV (fin)
LIVRE IV – SURFACE
I
A qui ne suffit pas la lumière du ciel
Qu’il porte un feu plus pur au fond de soi
Plus dense, plus ardent qu’un soleil
Qu’il en soit consumé, transmué
Qu’il vive dans le monde en clarté
II
Evénements, traversez, raptez, fécondez moi ! La surface pure et nue soit mon home inhabitable, sobresauté, miraculé ! Que chaque mot me jette en avant, explorant, croissant, multipliant !
Et l’onde solaire, partout, de nulle part, sans cause, sans foyer - générative !
Sujet sans nom, sans attribut, sans grammaire, mais le verbe, le verbe ! Que le verbe me porte, m’emporte, et vogue la galère !
III
Ma schizophrénie lyrique, je la porte comme un chasseur sa carabine définitive, troueuse de nuit, accoucheuse d’étoiles.
IV
Anonyme, apatride, sans demeure, qui donc est-il, lui que voilà ? - miroitement, rien que miroitement !
V
Fragments diamantés, éclats, pulvérulences, ellipses, fentes, diagonales, hachures et saccades – géologie de la terreur !
Sur ce limon convulsif, tuméfié, chaotique, danser mon amour !
VI
L’extase !
Prairies merveilleuses de mon amour, rivages assoiffés d’écume, accueillez, dilatez mon ivresse ! Débridez le taureau fulminant de mes veines !
Régis, élance toi, ô magnifique ! De cela qui me tient, qui me brûle, sois désir, ô mortel, brûlante convoitise ! Au feu reste fidèle.
Et dans l’arène ensemencée, sang de soleil mêlé, un jour de plus exulte en l’incendie qui te dévore !
VII
« Que fais-tu, loup inhabitable
Hôte rêche des marais
A tisser le fil noir des lisières ? »
« Danseur sur cette corde interminable
Entre la ville et la forêt
Je secoue ma camisole de frayeur
J’ébauche un petit pas musard
Je tends ma corde hospitalière
A capturer tous les hasards ».
VIII
ORPHEE
Ruisseau diamantaire
Que je m’éveille du gel de tes eaux
Au bruissement de flûte des roseaux !
IX
Beauté
Comme un soleil automnal suspendu incertain dans le vide, qui jette ses rayons affaiblis, obliques sur la plaine
Toi, hélas, tu te tiens flageolant loin de moi, titubant d’existence ambiguë, et plus terne
De n’être que cette ombre jetée d’un désir qui ne sait ce qu’il veut, ce qu’il est,
Caduc et versatile, à demi effacé, chevelure indécise bleutée de crépuscule.
Mais moi qui suis-je sans toi, Beauté toujours perdue, ma gerbe renaissante ?
Et toi, qui donc es-tu, de n’être ni d’ici ni d’ailleurs, ma ténébreuse aurore
Toi l’obscurcie de toutes mes étoiles ?
A te perdre, à chanter ton retour, l’impossible bonheur et l’impossible oubli,
Dans l’obscur, inflexible flambeau, ton amant de courage, obstinément je suis.
IX
Entre l’incendie et le vide, glissant, ce qui reste de nous fait sa route, à flanc de colline, et louvoyant.
POSTLUDE
Ce qui fut
A jamais aboli, à jamais mort
Image sans visage,
Ne hante plus le cœur amer,
Tout retourne à la terre.
Tout retourne à la grande Nature,
Mais toi divise jusqu’au socle le cœur,
Accomplis la césure,
Que la juste mesure du poème
Transfigure en beauté la douleur.
Le poème est toujours à venir
Halètement, pressentiment,
Souffle de vent
Musique déchirant le sommeil
Quelques mots murmurés
Scandés, trempés,
Institués
Qui nous révèlent.
Guy Karl, révision 2015 -Tous droits réservés