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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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1 août 2012

De la VOIE - et du SPHAIROS : Shin Jin Mei

 

 

 

 

 

« La voie est ronde, en paix, large comme le vaste cosmos, parfaite

Sans la moindre notion de demeurer ou de rompre ».

 

C’est le septième apophtegme du Shin Jin Mei, « Recueil sur la foi en l’esprit » du Maître Sosan, un des fondateurs du Chan, bouddhisme chinois. Ce poème admirable a de quoi provoquer une salutaire stupeur, prélude indispensable à l’éveil.

Le lisant, je n’ai pu m’empêcher d’évoquer mes amis les Grecs, en particulier Empédocle. Comment ne pas songer à ce qu’il dit du Sphaïros bienheureux :

 

« Mais lui, partout égal à lui même et sans limite aucune

Sphaïros à l’orbe pur, joyeux de la solitude qui l’entoure » (fragment 95).

Pour saisir l’essence de cette parole il faut d’abord se débarrasser de la tendance naturelle à la vision géométrique et spatiale. La circularité est une image mentale de la perfection, non une figuration du cosmos physique. Pour les Grecs le cercle est une expression du divin, pour l’auteur de notre texte chinois c’est le symbole de la Voie : « ronde, en paix, parfaite ».

Le cercle n’a ni début ni fin, on peut le parcourir à l’infini, et dans les deux sens. La sphère est plus parfaite, s’il se peut, puisqu’on peut la parcourir dans tous les sens, et ne jamais trouver d’origine et de terme. Il en est ainsi de l’univers bienheureux. La voie  épouse sans effort  l’infinité de tout ce qui est, qui était et qui sera.

Héraclite disait : « Ce monde, le même pour tous, ni dieu ni homme ne l’a fait, mais il était toujours, il est et il sera, feu toujours vivant, s’allumant à mesure et s’éteignant à mesure » ( 30).

Dans cette perfection de la sphère ni amour ni haine, ni attachement ni détachement, ni connaissance ni ignorance, ni vertu ni vice, ni parole ni silence : toutes nos catégories volent en éclats, perfection du Vide.

Le poème ajoute ceci : ni demeurer ni rompre. Qu’est ce à dire ? On ne peut s’installer dans le vide, on ne peut le quitter. Il est toujours là même si on n’en saisit pas la nature, on ne peut le quitter puisqu’il est la réalité même. Comment faire ?

 « Ne courez pas après les phénomènes

Ne demeurez pas dans la vacuité » (poème 9 du Shin Jin Mei).

En somme, ne rien faire : paradoxe du faire sans faire, de l’agir sans agir, du parler sans parler. Le poème nous convoque à une intelligence autre, par de là les concepts, les oppositions binaires du tiers exclu, les constructions de la rationalité. Voir autrement, sans intention particulière. Les Taoïstes disaient : « Vomis ton intelligence ».

La voie n’est pas un chemin, un enseignement, un discours, une méthode. Elle n’a  ni début ni fin. Elle n’est pas une course d’obstacles, elle n’accumule pas les mérites, elle ne mène à rien qui ne soit déjà là, de toute éternité.

Rien de spécial, rien de rare, rien de précieux : la voie c’est l’ordinaire -les phénomènes- directement perçus en vacuité, dans la splendeur de l’éphémère.

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
C
L’ordinaire est si proche que nous ne le percevons même plus , un peu comme si l’œil ne peut pas voir ses propres paupières, tapis au fond de notre propre prison pourtant sans barreaux . <br /> <br /> « Les aspects des choses qui sont les plus importantes pour nous sont cachés en raison de leur simplicité et de leur familiarité « Ludwig Wittgenstein .<br /> <br /> Nous touchons du doigt la problématique de l’ordinaire . Embourbés et englués dans le « on » quotidien avons-nous la possibilité de nous rendre compte que l’ordinaire est finalement cet extraordinaire que nous ne voyons pas ou que nous ne pouvons pas voir ou que plus grave nous ne voulons pas voir , ce quelque chose d’inconnu dans l’ordinaire qui inquiète , cette autre dimension ? Eternels insatisfaits , nous cherchons à fuir ce quotidien banal, répétitif qui ne nous convient pas pour aller chercher pense –t-on l’extraordinaire , nous échapper pour finalement revenir au point de départ et retomber dans la marmite , avec les frustrations et les inévitables manques . Le désir est grand de vouloir s’échapper à nouveau comme si nous voulions étancher notre soif en buvant de l’eau salée .<br /> <br /> Alors nous continuons à vivre dans l’ordinaire ,au mieux si possible , cet ogre du quotidien que, la plupart du temps , nous nous sommes construits peut- être inconsciemment .<br /> <br /> Avons-nous la possibilité de nous apercevoir de notre infirmité et que finalement tout ce que l’on désire si nous regardons bien en ouvrant simplement les yeux , à condition de nous arrêter , nous l’avons sous la main dans l’ordinaire .Le bonheur ,la félicité ne consiste t-il pas à désirer ce que l’on possède ? C’est en cela que l’ordinaire peut être finalement extraordinaire .Nous pouvons penser à Montaigne qui ,écoutant un ami se plaindre de n’avoir rien fait de sa journée , lui répond simplement. « et quoi n’avez-vous point vécu ? « Essayons donc de découvrir l’extraordinaire dans l’ordinaire au lieu de chercher en vain je ne sais quel plaisir extraordinaire .<br /> <br /> Je ne sais si Diogène Laerce quand il nous rapporte les propos d’ Epicure nous entretien de l’ordinaire , mais nous pouvons penser sans trop nous tromper que cette idée devait être familière à notre brave Epicure ,lui qui a vécu en cachant sa vie pour vivre la sagesse de l’ordinaire dans l’amitié .<br /> <br /> Je rejoins pleinement Démocrite qui nous rappelle également dans un commentaire bref mais affûté comme à son habitude la belle leçon chinoise de la sagesse de l’ordinaire .
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D
"La vertu d'un homme ne se peut mesurer à ses efforts mais à son ordinaire." Pascal<br /> <br /> Même s'il s'agit encore ici de "mesurer", concept très occidental, il y a dans cette pensée quelque chose qui n'est très éloigné de la belle leçon chinoise : une sagesse de l'ordinaire.
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