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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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2 août 2012

Un AU DELA de la PHILOSOPHIE ? Bilan critique

 

 

 

 

J’ai toujours estimé par devers moi qu’il faudrait un jour quitter la philosophie. Peut -être ce jour est-il venu. Non qu’il faille ne plus penser - c’est impossible - mais il est possible de ne pas diviniser la pensée, de ne pas idéaliser la démarche réflexive, en reconnaissant tout simplement ses limites, et ses dangers. L’illusion constitutive de cette discipline est de croire que par la pensée on puisse accéder à la vérité. Mais la valeur de vérité me semble de plus en plus incertaine, plus encore suspecte. A supposer qu’une vérité puisse être atteinte quelle en sera l’effet sur la vie ? Peut-elle éclairer la vie, la rendre plus belle, plus désirable ? A quelle économie secrète répond cette exigence ? Quel en sera le coût ?

A vrai dire, en mon adolescence, j’étais plus épris de beauté que de vérité. Mon ambition c’était la poésie, secondairement la littérature. J’ai beaucoup et longtemps fréquenté les poètes, je me suis mis à leur école, je les ai imités tant que je n’étais pas sûr de ma propre inspiration, puis j’ai tenté d’être au plus proche de ma nature. J’ai compris assez vite que pour moi la beauté était essentiellement « perdue », qu’elle dessinait en quelque sorte une poche de douleur et d’absence dans le continuum de ma vie. La beauté est amère, et « quand je l’ai assise sur mes genoux elle ne voulut pas de moi ». Plus exactement c’est une ombre qui  s’est assise sur mes genoux, une ombre qui se blottit contre ma poitrine. En faire le deuil fut l’épreuve la plus douloureuse que je pusse entreprendre. Je ne crois pas que la beauté puisse sauver le monde, elle est l’image d’un monde à jamais disparu. De nos jours « les œuvres d’art » - à supposer que ce terme convienne encore –cultivent la laideur, le monstrueux, l’abject sous prétexte de vérité, nous plongeant plus profondément encore dans les ténèbres du nihilisme. J’en viens à penser avec Hegel que l’âge de l’art est derrière nous, et que sa vérité n’éclaire plus l’humanité. L’expressivité conquérante et envahissante a définitivement ruiné l’idéal de beauté.

Je n’ai jamais cru sérieusement aux édifications des philosophes, en raison d’une disposition personnelle, très acérée, au scepticisme. Quand je découvris enfin la pensée souveraine de Pyrrhon d’Elis je me trouvai chez moi. Tout le problème était de vivre malgré tout, dans le monde tel qu’il est, et c’est Epicure qui m’inspira, tout au long, une sagesse pratique adaptée à ma nature anxieuse et pusillanime, qui me conduisit tout doucement à la mesure, à l’équilibre intérieur. Pyrrhonien dans le domaine théorique, épicurien quant à la conduite de la vie, cela pouvait marcher, et cela marcha assez bien. En tout cas cela me mettait en sûreté, loin des chimères idéalistes.

Souterrainement je poursuivais un travail de sape qui me mène aujourd’hui à  la suspicion radicale : je pourrais faire l’inventaire des notions qui pour moi ont perdu toute signification, comme : âme, savoir, sens, loi, valeur, idéal, connaissance, morale, bien, beau, vrai. C’est tout un édifice qui s’écroule, et cela se défait, et cela pourrit lentement dans une sorte d’indifférence amusée. C’est toute la métaphysique, de Platon à Nietzsche, qui est purement et simplement répudiée, sans reste. A vrai dire je n’y ai jamais sérieusement cru, et c’est avec ironie, de toujours, que je me suis dit philosophe. J’ai toujours été en lutte avec l’Université, ses idéaux et ses chimères, ne me reconnaissant guère que dans les philosophes méprisés, rejetés -  épicuriens, kuniques, pyrrhoniens, libertins  et consorts.

Pour le dire tout net je me réfère aux Antésocratiques d’une part, aux Hellénistiques de l’autre, dont la référence commune n’est pas la philosophie mais la sagesse (Sophia). Encore faudrait-il redéfinir ce terme que je n’utilise qu’avec méfiance, à défaut d’un autre, qui n’existe pas. Dans cette nouvelle approche  j’inclus plusieurs grandes traditions orientales, taoïstes et bouddhistes, qui toutes enseignent un dépassement de la  tendance spéculative et de la mythologie rationnelle.

On ne peut, évidemment, se contenter d’une reprise de positions antiques, fussent-elles éclairantes. Il faut tout reprendre à neuf, expérimenter  par soi même. Cela ne me fait pas peur. C’est un beau, un vaste chantier, prélude à de nouvelles intuitions, qui devraient dynamiser l’existence. Quoi qu’il en soit,  c’est ici, dans ce sans demeure, que j’entends m’ébattre à présent.

 

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Commentaires
A
A propos du détachement<br /> <br />  <br /> <br /> Maintenant, tu demanderas : qu'est donc le détachement, pour qu'il cache en lui une pareille puissance ? Le vrai détachement signifie que l'esprit se tient impassible dans tout ce qui lui arrive, que ce soit agréable ou douloureux, un honneur ou une honte, comme une large montagne se tient impassible sous un vent léger. Rien ne rend l'homme plus semblable à Dieu que ce détachement impassible. Car que Dieu est Dieu, cela repose sur son détachement impassible : de là découle sa pureté, sa simplicité et son immutabilité. Si donc l'homme doit devenir semblable à Dieu (dans la mesure où l'égalité avec Dieu peut échoir à une créature) cela ne peut arriver que par le détachement. Il transpose ensuite l'homme en pureté, et de celle-ci en simplicité, et de celle-ci en immutabilité ; et ces qualités produisent une ressemblance entre Dieu et l'homme. Cette ressemblance doit être produite par la grâce ‑ qui ne fait qu'élever l'homme au-dessus du temporel et le purifie de tout ce qui est passager. Tiens‑le‑toi pour dit : être vide de tout le créé, cela veut dire être plein de Dieu, et être rempli du créé, cela veut dire être vide de Dieu.<br /> <br />  (…)<br /> <br />  <br /> <br /> Passons à la question de ce qu'est l'objet du pur détachement. Ce n'est pas ceci ou cela. Le détachement tend vers un pur néant, car il tend vers l'état le plus haut, dans lequel Dieu peut agir en nous entièrement à sa guise, Or ce n'est pas dans tous les cœurs que Dieu peut agir tout à fait à sa guise. Car, si tout-puissant soit il, il ne peut pourtant agir que dans la mesure où il trouve le terrain préparé ou qu'il le prépare. « Ou qu'il le prépare » j'ajoute ces mots à cause de saint Paul, car en lui Dieu ne trouva aucune préparation, mais il le prépara seulement par l'infusion de sa grâce. C'est pourquoi je dis que Dieu agit selon qu'il trouve une préparation ; son action est autre dans l'homme que dans la pierre. A cela nous trouvons une similitude dans la nature : quand on allume un four et qu'on met dedans une pâte d'avoine, une d'orge, une de seigle et une de froment, il n'y a qu'une seule chaleur dans le four et pourtant elle ne produit pas le même effet dans toutes les pâtes, mais de l'une est produit un pain raffiné, de l'autre un plus grossier et du troisième un autre encore plus grossier. Ce n'est pas la faute de la chaleur mais de la matière qui se trouvait n'être pas la même. Dans un cœur où a encore place ceci ou cela se trouve facilement aussi quelque chose qui empêche Dieu d'agir pleinement. Si le cœur doit être parfaitement préparé il faut qu'il repose sur un pur néant ‑ en celui-ci réside en même temps la plus haute puissance qu'il peut y avoir. Prenez dans la vie une comparaison : si je veux écrire sur un tableau blanc, si beau que puisse être par ailleurs ce qui est écrit dessus, cela m'induit en erreur ; si je veux bien écrire il me faut effacer ce qui est déjà sur le tableau et les choses ne vont jamais mieux que quand rien du tout n'est écrit dessus. De même, si Dieu veut écrire dans mon cœur d'une façon accomplie, alors tout ce qui s'appelle ceci ou cela doit être chassé du cœur. Comme c'est justement le cas chez un cœur détaché. Alors Dieu peut exécuter parfaitement sa haute volonté. Aucun ceci ou cela n'est donc l'objet du cœur détaché !<br /> <br />  <br /> <br />                                                Œuvres de Maître Eckhart – sermons- traités (pp 22 et 25-26)  Ed. Gallimard
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