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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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22 octobre 2009

D'un BILAN PROVISOIRE

Adolescent j'adorais la lecture. Les romans bien sûr, mais plus encore peut-être la poésie. J' y ai connu de grands moments d'exaltation. Je suis entré en philosophie par la découverte de Schopenhauer, dont l'extraordinaire lucidité éclairait mes propres questionnements. Le cours de terminale fut plus qu'une déception : une déconvenue. Je ne retrouvais pas grand chose de mes fulgurances et de mes émois dans cette laborieuse compilation de thèmes et de références. Par la suite j'hésitai entre psychologie et philosophie. Le hasard des décisions administratives me fit décider pour la philosophie, mais sans enthousiasme. Le cursus de la Faculté ne me donna guère de frisson. En moi un poète refoulé grinçait des dents, mais il fallait bien décrocher un diplôme et gagner sa vie. Je devins donc enseignant.

Je dois à la vérité de dire ici que je fus un professeur heureux. J'aimais le contact des élèves, qui me  rendaient, par leur estime inconditionnelle, chaque jour, ou presque, le goût de discuter, d'expliquer, de faire voir les enjeux d'une problématique. De fait j'appris à philosopher en enseignant. Je vis rapidement la différence entre un problème de cabinet et un vrai problème, et les élèves là-dessus sont des maîtres irremplaçables. On voit tout de suite quand on les ennuie, et ce n'est pas forcément parce qu'ils sont ignares ou inintéressés. Quand on débusque les vrais enjeux on les rencontre, eux, dans leur jeunesse exigeante, dans leur spontanéité créatrice. Cela dit, je ne fus pas mécontent de quitter le métier. Ne parler indéfiniment qu'à des adolescents n'est pas normal. Aujourd'hui je suis fort heureux de travailler avec des adultes, qui ont tant de choses à dire, et qui souvent ne rencontrent strictement personne pour les écouter en liberté et les faire réfléchir plus avant.

En un mot, je me suis décidé pour une philosophie vivante, ouverte, publique si l'on veut, clairement transmissible, accessible, réfléchissante : intelligible sans compromission, claire sans facilité, toujours rigoureuse, au plus près du réel.

Mais tout cela eût été impossible si je n'avais rencontré, en cette ville, plus qu'un public, une  connivence intellectuelle et émotionnelle très forte, d'où je tire une sorte de légitimité philosophique. Qui suis-je, après tout, pour tenir des café, des ateliers et autres prestations, de quel lieu parlé-je, de quelle autorité puis-je me réclamer? L'autorité c'est la qualité propre de l'auteur, et en ce sens la vraie autorité vient du créateur, de celui qui s'autorise lui-même à créer ce qu'il crée. Mais cela ne saurait suffire, sauf autisme impénitent, dans une activité qui vise un public réel. IL faut l' accointance, la connivence, la compréhension interactive, la parole qui va et qui vient, le flux d'une juste et libre rencontre. Ce miracle s'est réalisé ici, et semble devoir se renouveler encore et encore. L'autorité de l'un se reflète et se confirme et s'affirme dans l'autorité de l'autre. Créateurs tous deux. Tous deux auteurs, et d'une parole, et de soi-même.

C'est en ce sens très particulier qu'il faut entendre la pratique philosophique. Je crains que trop de malentendus ne circulent, et sur le savoir, et l'érudition, ou je ne sais quelle aptitude extraordinaire. Je voudrais dissiper ces fumées. Mais il est vrai que philosopher ne se fait pas sans un engagement de la plus grande sincérité, avec un coefficient de risque, inhérent à toute recherche existentielle, comme dans la poésie et l'art en général. L'auteur est aussi un témoin. Mais non pour autant un martyr, quoi qu'en dise l'étymologie.

Jeune, mes camarades me traitaient volontiers d'original. Cela me surprenait un peu. Mais ce n'est pas faux. Simplement je revendiquerais plutôt la référence à l'originaire. C'est de l'originaire que se déploie le philosopher. Citons Démocrite : "La vérité est dans l'abîme".

J' y reviendrai.

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