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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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4 septembre 2019

LE SUJET-PHILOSOPHE : la disjointure

 

Je vais risquer une notation personnelle, qui n'est pas un concept, pas même "un personnage conceptuel" ou une identité culturelle définie, ni une image, mais quelque chose comme une singularité affirmée : le sujet-philosophe. Dans cette expression le sujet passe au premier plan, c'est lui qui soutient l'appellation "philosophe", lui donne sa qualité propre. Philosopher se définit comme une activité du sujet, peut être la plus éminente, mais nullement la seule.

L'activité de connaissance a pour objet, et pour fin, la découverte et l'affirmation du sujet. Lorsqu'il parvient à maturité le sujet est celui qui peut s'autoriser de lui-même, sans se référer constamment à quelque autorité externe intériorisée. Ce qui suppose une distanciation critique à l'égard des injonctions, croyances et valeurs héritées, mais églement le dépassement d'une position purement réactive. On se demandera comment il serait possible de juger par soi, de se déterminer librement par soi, et d'agir selon soi. Cela paraîtra impossible à qui est encore prisonnier de la tradition, et de fait il n'existe nulle recette pour se libérer. Et pourtant cela existe bien, à la faveur d'une sorte de saut qualitatif, comme en témoignent bien des esprits du passé et du présent.

S'autoriser de soi c'est avoir en soi la source de l'autorité, qui donne autorisation. A quoi ? A la pensée libérée. A l'expression libre. A la dimension créative. A la poésie, à la fantaisie. Ce serait un don des dieux s'il y avait des dieux, disons un don de la belle nature, intérieure autant qu'extérieure, mais surtout intérieure.

Dans autorité résonne encore l'auteur. L'auteur a autorité sur son oeuvre tout au long du processus de création. Ce modèle a des limites car nous ne sommes pas vraiment les auteurs de notre être, mais nous apprenons, avec le temps, à le devenir, auteurs tardifs et imparfaits, condamnés à poursuivre jusqu'au terme le processus de création. Sartre demandait : que ferai-je de ce qu'on a fait de moi ? C'est la bonne question : devenir auteur c'est travailler l'acquis pour le transformer, le remodeler, l'amander, le personnaliser, jusqu'à ce point où c'est moi qui pense et agis d'après moi.

Il en résulte qu'il n'existe aucun critère pour juger de la valeur de cette autorité. Toutes les définitions de la "vie bonne", de la liberté, de l'excellence et autres références de la philosophie sont caduques parce qu'elles définissent un modèle de conduite, qui peut bien servir à l'aventure comme stimulant intellectuel, mais qui, valant pour tous ne vaut pour personne. 

Dans la tradition épicurienne je trouve ce beau terme d'"ekchorèsis" - se tenir hors du choeur - s'écarter, se décaler. Se décaler c'est ne plus se tenir ajointé par la cale qui soutient la conjonction collective, pratiquer une disjointure, un écart, une déclinaison qui réitère, au plan de la vie personnelle, la déclinaison universelle des atomes. C'est une belle image de la position existentielle du sujet qui, s'écartant, invente sa propre trajectoire de pensée et de vie. Que nul autre, du dehors, ne puisse la comprendre est encore le signe imparable de son originalité.

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