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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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9 janvier 2008

ATHENA et ARTEMIS : mythopoiétique

Je me débats au milieu de mes images. Ce sont des fantaisies qui remontent du fond de l'inconscient, toutes centrées autour du féminin, et distribuées pourtant en grappes et constellations éparses, comme une grande toile d'araignée, avec des centres locaux, des conglomérats de sensations et d'émotions, apparemment autonomes, mais reliées subtilement aux autres constructions imaginaires. Je pense à la déesse, comme le fait Lucrèce au début de son livre. Je vois surgir Athéna. J'essaie de lui donner un visage, une stature, une démarche. Elle m'apparaît comme une femme jeune mais haute et fière, casquée, tenant la lance d'une main, et le rameau d'olivier de l'autre. C'est une guerrière, mais aussi celle qui donne l'olivier aux gens d'Athénes, comme Dionysos donne le raisin. Initiatrice en somme, fondatrice, et symbole vivant de l'unité de la cité, de la concorde et de l'harmonie, donnée par les lois et la force publique. Athènes est son siège naturel, Athènes "mère des peuples et des lois", mère et garante de l'amitié civile, de la justice et de la sûreté. Tout cela a l'air de se tenir dans la représentation, grâce notamment aux références antiques. Mais je ne peux longtemps garder autonome cette image. S'y mêlent bientôt d'autres traits, involontairement associés, et qui perturbent ma raison. Athéna n'est elle pas Artémis aussi, la sévère vierge, chaste et pure qui résiste à tous les assauts de l'amour, décourage tous les prétendants et reste inflexiblement attachée à sa chasteté. Pourquoi cette résistance obstinée aux charmes et tribulations du sexe? Pourtant elle n'est pas bégueule, pudibonde ou coincée. C'est bien elle qui assiste les femmes en couche, conseille et soutient, aide à la délivrance. N'est-elle pas une sorte de Socrate au féminin, infirmière et obstétricienne? Artémis est soeur jumelle d'Apollon, et avec lui elle partage le privilège de représenter la dimension du ciel. Le soleil à Apollon, la Lune à Artémis. Frère et soeur stellaires. Duo céleste. Couple princier des demeures d'en haut. Et enfin, n'est ce pas à la divine Artémis que Héraclite remet le manuscrit de son livre avant de se coucher dans la boue au soleil, pour y soigner l'hydropisie qui l'emportera. Qui, mieux que la déesse, pouvait conduire ce livre rare et beau aux colonnes de l'Immortalité?

Artémis, je t'aime, mais avec une certaine crainte toute juvénile, une retenue aimante, comme l'amour que l'on porte à la soeur que l'on n'a jamais eue, et que l'on aurait tant aimée.

Et puis il y a Aphrodite. Les trois A (Athena, Artemis, Aphrodite). Je ne me sens pas le courage, présentement, d'entamer une ode à Aphrodite, laissant paresseusement ce soin à Sappho, la poétesse de l'Amour. Je me sens plus intimidé encore, si la chose est possible, à l'orée du temple. Pourtant n'ai-je pas éventé depuis longtemps les secrets du désir? Il faut croire qu'il reste bien des choses obscures dont l'intuition me fait défaut. Encore une fois je me sens infantile et inexpérimenté comme Socrate devant Diotime, la prêtresse de Mantinée, l'initiant aux mystères de l'amour. J'ai vécu de corps et d'esprit, je n'ai pas vécu d'âme. Et à vrai dire je ne sais pas bien moi-même ce que je dis là, mais je le dis avec la conviction du vrai. Faut-il se laisser aller aux sentes d'Aphrodite, y errer jusqu'à perdre la raison, ou vaut-il mieux suivre le sage chemin d'Artemis?

Mais que valent après tout ces figures? Ce ne sont que figures, masques de tragédie.  Le mythe est toujours polysémantique, d'une richesse inépuisable. L'amour est-il un, ou multiple? S'agit-il d'autre chose que de points de vue sur une seule et même réalité? La mère, la soeur, la cousine, la camarade, la jeune fille, la korè en fleurs, l'amie, l'épouse, la maîtresse, l'amante, la confidente, l'amoureuse - et quoi encore? Autant de figures de l'Anima, avec un certain quelque chose de commun, qui s'échappe sitôt que l'on veut le saisir. Et pourtant il faudra bien distinguer, la raison l'exige, le bon sens le commande. Sans quoi c'est la paralysie. Dans ce dédale inextricable brille toutefois une petite lumière : le savoir décisif qu'une unité supérieure est à conquérir. Et que cette unité supérieure ne peut se réaliser que par l'intégration de cet Autre clivé qui exige reconnaisance et place au soleil. GK

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