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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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3 septembre 2022

LES CHOSES SELON PYRRHON III

 

Petit intermède :

Pyrrhon, comme beaucoup de maîtres, n'a pas écrit. Nous connaissons sa pensée par les témoignages de ses contemporains et de ses élèves, notamment Philon de Phliunte. Mais cette connaissance est forcément lacunaire.  C'est en tant que sage qu'il rayonne, en tant qu'homme exceptionnel à qui on dédie des statues alors même que sa pensée déroutait la plupart. S'y ajoute une seconde difficulté : nous pouvons bien, comme je le fais ici, tenter de saisir sa pensée profonde, de l'exposer le plus clairement possible comme s'il s'agissait d'une doctrine intellectuelle, d'un système de savoir ou de non-savoir. Cette méthode vaut pour Platon ou Aristote, pas pour Pyrrhon pour qui les formulations théoriques ne sont que des moyens, des outils critiques et thérapeutiques destinés à pourfendre toutes les représentations. Ce qu'on dit ne vaut pas en soi et par soi, c'est une machine de guerre qui élimine le discours de l'adversaire, puis le nôtre : "notre assertion, après avoir aboli les autres, s'élimine d'elle même par retournement, à l'égal des purgatifs, qui, après s'avoir fait évacuer les matières, s'évacuent eux-mêmes par le bas et sont éliminés." (DL,IX,76)

Si l'on veut parler d'une "fin" de cette philosophie ce n'est certes pas la vérité, ni l'opinion droite, c'est plutôt une sorte de vide mental où se défont tous nos attachements - position tout à fait originale, unique dans la philosophie grecque. Celui qui fréquente quelque peu les conceptions orientales, hindoues en particulier, y verra la marque d'une influence directe des ascètes nus rencontrés lors du voyage de Pyrrhon dans la compagnie d'Alexandre. Auquel cas la notion, et l'expérience, de l'"ataraxie" - absence de troubles - prendrait un sens très différent de ce qu'elles évoqueront chez Epicure ou les Stoïciens. L'égalité d'humeur, qui était un trait remarqué chez Pyrrhon, serait la manifestation d'une heureuse disposition gagnée sur la colère, la précipitation, l'instabilité et les autres passions. Contrairement à une idée paresseuse, le pyrrhonien ne doute pas, il est au delà du doute et de la certitude, du vrai et du faux, s'étant dépouillé de toute référence il est "inébranlable".

Reste une question dérangeante et difficile : ce "vide", ou, pour parler comme Timon, "aphasie et ataraxie", peuvent-ils se gagner vraiment par cette méthode de dépouillement intellectuel, ces exercices d'opposition, de renversement et d'élimination ? Personnellement j'en doute. J'ai tendance à penser, sans garantie bien sûr, que Pyrrhon s'est adonné, en Asie, à divers exercices de méditation qui lui ont permis, précisément, de voir le monde comme la somme illimitée de toutes les apparences, la danse infinie des choses in-différentes, im-mesurables, indécidables. Vision grandiose, parfaitement indifférente à la vision commune, sans laquelle, au fond, la sagesse de Pyrrhon ne serait que chimère.

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Commentaires
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Peut-être que comme Hölderlin il a finalement fait un deal avec le dieu obscur qui est en nous ( grand prêtre du temple d'Hadès serait un clin d'oeil ).
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