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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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30 décembre 2021

CE QUI NE CHANGE PAS

 

Ecrivant de moins en moins, par lassitude, par négligence, et par dessus tout par crainte de me répéter, je me trouve de fait à disposer d'un temps assez considérable pour lire à la va-comme-je-te pousse, sans méthode, sans objectif autre que de m'amuser : je m'y instruis à l'aventure, surtout en histoire qui fut toujours une source inépuisable d'étonnement. Je voyage immobile dans le temps et l'espace, et s'il était possible d'explorer quelque planète lointaine où la vie fût apparue, et la conscience, je m'y jetterais  avec ravissement. Dans l'Antiquité déjà on postulait qu'il existât un nombre incalculable de mondes dans l'infinité du temps. Ainsi, dans ce joli traité sur le rire et la folie du pseudo-Hippocrate, de Démocrite il est dit qu'il "prétend voyager dans l'infini et qu'il y a d'innombrables Démocrites semblables à lui".

S'il existait bien, quelque part dans l'espace, une planète qui eût engendré des hommes semblables à nous, je ne doute point qu'ils eussent, comme nous, pratiqué la guerre, le massacre et l'extermination à grande échelle, comme nous avons fait, et fini par s'éteindre faute de combattants. Ce serait une fantastique découverte que de voir la naissance, le développement et l'extinction de cette civilisation-là, où nous lirions en miroir  l'évolution et l'aboutissement de la nôtre. Hélas, même avertis de la sorte, j'en suis convaincu, nous ne changerions pas d'un iota notre façon de faire.

"Les hommes ne changent pas, écrit Schopenhauer, ils apprennent à mentir". Ce qui laisse entendre, en radicalisant le propos, que la culture dans son essence même est un gigantesque mensonge qui vise à travestir les véritables dispositions du caractère, lequel précisément ne change pas. Sauf si, par un extraordinaire travail de conscientisation et de spiritualisation, le sujet parvient à modifier quelque chose dans l'organisation originelle de son être. C'est de toujours le programme de la sagesse, orientale et hellénique : elle s'adresse à l'individu, et son effet, hélas, est dérisoire par rapport aux mouvements de masse, soulevés par la religion et la politique. Pour un seul Bouddha, pour un seul Epicure, combien de milliers de dévots encartés, de combattants fanatisés ?

"Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark" - Cette phrase célèbre d'Hamlet résonne pour nous bien au delà du Danemark, vers le passé et vers l'avenir, s'il est patent que l'homme est ce qu'il est, et que sa principale activité consiste à maculer de fiente et de sang les murailles du monde. Nous savons intuitivement qu'il y aurait mieux à faire, mais par je ne sais quelle fatalité, nous ne parvenons pas à le concevoir, et encore moins à le réaliser.

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Commentaires
O
C'est très justement dit ! <br /> <br /> Et soit encore dit en passant, je reprenais ce matin les fragments d'Héraclite. Il semble que cette traduction soit fautive (du moins selon Conche), mais je suis tombé sur le fragment 124 (de l'édition DK) qui m'a - heureux hasard ! - fait repenser à cette affaire de monde et de pourriture : "Le plus bel ordre du monde est comme un tas d'ordures rassemblées au hasard." (εἰκῆ κεχυμένων ὁ κάλλιστος, ὁ κόσμος)
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O
En vérité, il s'agit bien d'un "détournement" - au sens où l'ont pratiqué Lautréamont, les situationnistes, par exemple - de Novalis. A la fin de ses Grains de pollen, Novalis écrit en effet : "L'art d'écrire des livres n'a pas encore inventé. Mais il est sur le point de l'être."
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O
Peut-être avons-nous appris que ce monde moins pourri qui devrait bien pouvoir, en droit au moins, avoir lieu, le concevoir n'aidait en rien ? Peut-être fuit-il déjà aux côtés de la pourriture, mais lui échappant, se réalisant avant qu'on le puisse concevoir ?
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P
Ah, rêver d'un homme idéal ... ce serait un peu comme rêver de la vie sans la mort, ou du bien sans le mal ? <br /> <br /> Nous ne pouvons pourtant exister que comme "entre". Et pour retrouver l'amour et le sublime que j'ai connu sur cette Terre, je veux bien rejouer son lot de haine et d'abjection. So long Dreamer
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