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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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21 juillet 2021

AMBIVALENCE DU RIRE

 

Vous connaissez sans doute cette sentence un tantinet mélancolique de La Bruyère : "Il faut rire avant que d'être heureux, de peur de mourir sans avoir ri". Il appert que le bonheur est pour le moins improbable, voire impossible, si bien qu'il ne faut pas attendre de rire, sans souci de bonheur.

"Riez si m'en croyez, n'attendez à demain! " - pour parodier Ronsard.

Mais pourquoi diable La Bruyère faut-il un rapport entre le rire et le bonheur ? On dira : rire fait du bien, apporte satisfaction et détente. C'est là un effet bien connu, mais cet effet est lié à l'instant, comme une irruption, une bouffée qui transporte le corps et l'esprit, de la joie, de l'allégresse, mais qui s'en ira comme elle est venue. Cela ne fait pas le bonheur qui est constant et durable, au moins pour une certaine durée.. On peut bien étendre, multiplier les moments du rire, ils ne feront jamais une continuité, et tel qui rit souvent à se faire éclater la rate est peut-être ce dépressif qui, rentré chez lui, passe par la fenêtre.

Il faut déconnecter la question du rire de celle du bonheur. Mais alors à quoi le rapporterez-vous ? Il y a beaucoup de réponses possibles : à la pulsion de vie, à l'esprit de révolte et de franchise, à la liberté, à l'inventivité - mais aussi hélas à la méchanceté, au désir de nuire, à la haine, à l'envie, notammant dans ces formes qui sont de l'ordre du ricanement, de la moquerie, rire sardonique et malfaisant qui satisfait plutôt la pulsion de mort. On voit que le rire se plie à tous usages, exprime tout ce que l'on voudra, pourvu qu'un certain coefficient de satisfaction soit obtenu, ce qui entraînera se reduplication, comme on voit dans les comédies qui utilient toujours les mêmes ficelles (la situation, l'intrigue, les caractères, le ridicule, le risible et le dérisoire). Au total on voit bien que l'objet par excellence du rire, objet inépuisable, multiforme, toujours neuf et toujours vieux, c'est l'homme, dans sa nature, dans ses oeuvres, dans son infirmité, sa grandiloquence et sa nihilité.

On ne rit pas souvent dans les ouvrages de philosophie, aussi est-ce si rafraîchissant de rencontrer l'immortel Démocrite, dont la tradition soutient qu'il riait de tout, et surtout de la vanité et de la folie des hommes. Rire critique, ou "exterminateur" pour parler comme Clément Rosset, qui pulvérise toutes les opinions, toutes les croyances en dégageant la véritable essence des choses : les atomes et le vide. J'imagine que dans un  élan admirable Démocrite élève son regard vers la voûte céleste, et plus loin encore, vers les astres et les mondes innombrables, perdu, extatique, dans l'infinité du Tout. Alors, oui, un rire cosmique dilate sa poitrine, rire de joie, rire sublime qui égalise toutes choses dans l'immensité du temps et de l'espace : "le rire inextinguible des dieux" (Homère)

 

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Commentaires
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Entendre que l'essence des choses serait le vide et les atomes me donnent envie de rire. C'est comme croire que la science va nous sauver. Non, le monde autour de nous est un chaos, une nuit noire mais le philosophe est bien porteur de la lumière, de la seule lumière qui soit et qui peut être décomposée de la manière suivante par exemple : humilité, simplicité, pondération, sens de la nature, aspiration au beau, au bien, au vrai.
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