Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 539
1 juin 2020

REVES EGYPTIENS

 

Si l'on descend très bas peut-on encore remonter ?

Il y a très longtemps je faisais des rêves égyptiens : des cryptes, des hypogées, de vastes salles peuplées de sarcophages, aux murs somptueusement enluminés, fastueuses et silencieuses. La fixité hiératique des visages, ces regards figés, ouverts sur une éternité de pierre, avaient de quoi inspirer une sorte d'effroi : il fallait fuir au plus vite, conjurer par le mouvement le risque de la sidération.

"Calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur" ...C'est qu'en effet la sidération est l'effet confondant d'un dés-astre, comme si l'astre (sidus, sideris, l'étoile, d'où sideror, subir l'action néfaste des astres), frappait à distance en provoquant une paralysie générale. C'est, il m'en souvient, ce qui m'arriva lorsque je pus contempler de visu le masque mortuaire de Toutankamon : une sorte de langueur paralysante, de trouble abyssal, de mélancolie stuporeuse, et la peur absurde d'être frappé d'immobilisation, et comme lui de rester à jamais inerte, le regard fixé sur le vide.

C'est ce qu'on dit généralement de la Méduse : ne point regarder, au risque d'être médusé, frappé d'inanition. La seule parade, hormis la fuite, est de présenter à la Méduse un miroir où elle se figera elle-même.

Mais Toutankamon dans son sarcophage est déjà mort, morts sont ces yeux qui ne voient rien. Je croyais trembler au spectacle de la mort, mais la mort ne se voit pas, seuls se voient ses effets. 

Allons mon âme, ne tremble pas si fort au spectacle des tombes. Tu croyais voir la mort, tu ne vois qu'une tombe, un cercueil que n'habitent qu'une peau desséchée, des os vermoulus et la pousssière des âges.

La mort, cette puissance inexpugnable, toujours nous la manquerons, mort des autres que nous ne voyons pas, et notre mort que nous ne sentirons pas.

Ce regard vide du pharaon défunt est comme le regard du Sphinx, ce géant de pierre, qui regarde et qui ne voit rien, pas même l'immensité vide du désert et des sables.

Allons mon âme, ne tremble pas si fort sous le coup d'un désastre qui n'est qu'un effet d'affolement, chimère née de la peur, chimère d'imagination.

-- Qui descend profondément peut-il encore remonter ? Oui, lorsqu'il a fait le tour de ses angoisses, épuisé leur venin. Mais il faut confesser, hélas, qu'il y faut un certain temps. Et peut-être surtout, la voix d'une Ariane céleste qui tire le fil à travers le dédale obscur de la sidération.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
153 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité