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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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30 octobre 2018

De l'usage des PSYCHOTROPES

 

Il est bien connu que la France détient le record de consommation de psychotropes. Voilà un fait sociologique intéressant. Je vois au moins trois explications possibles. Les Français sont plus malades que les autres. Les médecins prescrivent trop facilement ce type de médicaments. Ou alors les Français bénéficient d'une meilleure qualité de soins. Je laisse le lecteur choisir l'explication qui lui convient.

La question de fond est plutôt : peut-on considérer cette classe de médicaments de la même manière que les autres ? Peut-on envisager lucidement de soigner une dépression ou une schizophrénie comme on soigne une pancréatite ou une affection cardiaque ? Le fait est que dans l'opinion commune il n'en est rien, comme si tout ce qui relève du cerveau ou du psychisme était en quelque sorte tabou : il y va, croit-on, de la singularité inexpugnable de l'individu, de son intimité et de son unicité.

A suivre ce raisonnement la maladie psychique se réduit à de la faiblesse de caractère, à un défaut de volonté ou de rectitude morale, à de la lâcheté en somme. Le malade n'est pas malade c'est un faible. "Mettez-y un peu de volonté et l'affaire s'arrangera". - Autant demander à un cardiaque de courir le marathon.

Prenez le cas de la maladie bipolaire : le sujet oscille entre le pôle dépressif, voire mélancolique, et le pôle maniaque ou hypomaniaque, passant soudain d'un abattement catastrophique à l'exaltation débridée, puis l'inverse. Aucune volonté, aucune conscience, aucune résolution ne parvient à gérer cette alternance, à réduire les extrêmes et à pacifier la psyché. C'est presque par hasard qu'on a découvert un remède inespéré dans le sel de lithium. Pescrivez une prise régulière de lithium et le trouble de l'humeur va s'atténuer de manière spectaculaire. Pensez donc : quelques microgrammes de sel et voilà traitée une maladie que l'humanité traîne depuis des siècles, voire des millénaires, sans avoir pu jamais ni la soigner ni la guérir !

Mais voilà de surcroît un exemple stupéfiant de notre dépendance indépassable aux agents chimiques qui régulent notre organisme. Et un problême philosophique de premier ordre : le bipolaire est-il "libre" de bipolariser, alors que cette affection fait de sa vie un enfer ? Avant de parler de liberté il faut assurer l'équilibre et le bon fonctionnement de l'organisme, conçu comme synthèse du physiologique et du psychique. Mens sana in corpore sano.

J'en conclus qu'il faut cesser de diaboliser les psychotropes, sans pour autant en faire le remède universel au mal de vivre. Quand le médicament réduit la souffrance, règle l'humeur, calme l'anxiété, l'esprit peut librement exercer ses fonctions de connaissance : s'il existe une liberté pour la pensée ce n'est qu'à ces conditions-là qu'elle pourra s'exprimer.

 

 

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Commentaires
B
Il est bon l'usage recréatif d'un psychotrope dans un cadre sécurisé afin de montrer par A+B, par le réel, par l'expérience la fragilité du sentiment subjectif et donc sa limite. Le moi n'est pas maître dans sa propre maison. Ou l'est-il ? Le maître, c'est le devenir universel.
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G
Il était important, en effet, de rappeler les méfaits du dualisme qui sépare l'homme de son propre corps en attribuant à l'esprit un pouvoir imaginaire : " je suis maître de moi comme de l'univers" (Auguste dans une pièce de Corneille)
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D
Il y a, me semble-t-il, une autre raison qui peut expliquer le rapport ambigu à la souffrance psychique. Dans la tradition métaphysique du rationalisme et du dualisme, le sujet ne s'identifie pas à son corps. Les affections de l'organisme concernent l'altérité biologique. Mais les affections de l'âme seraient celles du moi tout entier impliqué dans le processus morbide. A l'arrière se profile la question de la vérité : considérer la souffrance psychique, c'est imputer au sujet une défaillance, une responsabilité voire une culpabilité d'où la honte qui accompagne souvent ce type de maladies.Il y a là quelque chose d'insupportable car cela menace l'édifice moral de la responsabilité et du libre arbitre. <br /> <br /> La souffrance psychique est celle de la vérité d'un sujet dont le causalité est en lui alors que la maladie somatique peut toujours être renvoyée à une causalité extérieure, ce corps qui n'est pas moi.<br /> <br /> Il n'est pas inintéressant de rappeler que le malade mental a été considéré comme aliéné, l'insensé qui a perdu la raison (voir Descartes et la fin de la première méditation métaphysique) et dont "le cerveau est troublé par les noires vapeurs de la bile". Il était "essentiel", ce terme est d'importance,de fabriquer une aliénation pour tenter de sauver la volonté infinie et la conception morale de la liberté. C'est pourquoi le fou était devenu autre chose, ayant perdu son essence rationnelle et morale. Joli mécanisme de défense et de répression. On sait ce qu'il advint des malades mentaux et autres déviants au XVIIs avec "le grand renfermement".<br /> <br /> Sans doute n'en a-t-on pas tout à fait fini avec la honte et le sentiment de culpabilité. La toute puissance imaginaire du moi est ici bien mise à mal.
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