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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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31 mars 2015

OEDIPE à COLONE : destin et destination

 

Après une longue errance, accompagné de la tendre sollicitude de sa fille Antigone, Oedipe se présente aux portes d'Athènes, destination finale, prescrite par Apollon, d'une existence contrastée, qui l'a fait basculer des mirages du pouvoir à la déréliction absolue. Il ne sait pas qu'il vient de transgresser l'interdit - une fois de plus - qui protège l'accès au bosquet voué aux Euménides, ces farouches déesses du destin : le peuple des citoyens du lieu menacent de l'expulser par la force, n'était la sage parole d'Antigone qui supplie, et obtient l'indulgence, à la condition qu'Oedipe se déplace hors du bois consacré.

Ce prélude tragique est d'une grande beauté. Oedipe s'y dépeint sans complaisance aucune, résigné à son sort, peut-être même appelant de ses voeux une issue favorable à ses malheurs. "Vieil homme aveugle " - on se souvient que dans l'exode d'Oedipe-roi il s'était crevé les yeux - "étranger au pays" , "usé par la douleur", "suppliant", "misérable reflet de ce qui fut un homme", "ombre de moi-même". C'est un homme brisé qui se présente devant nous, mais qui porte en lui la conviction inébranlable de son destin : "Ce suppliant qui a reçu de vous garantie, défendez-le, veillez sur lui jusqu'au bout ; ce visage affreux à voir, ne l'outragez pas. Je viens à vous sacré, irréprochable, et porteur d'une grâce pour vos concitoyens".

Il est important de remarquer, avant de lire plus avant, qu'une fois de plus, et à nouveau sans savoir, Oedipe a transgressé une loi divine en venant s'asseoir dans le bocage des Euménides. Le texte insiste sur la souillure qui s'attache à la transgression : "Un homme sans foi ni loi qui violerait ce saint lieu", "Si tu veux que nous t'écoutions, cesse de violer un sol inviolable", " je ne veux pas qu'un tel contact souille plus longtemps le sol de ma patrie" déclare le choeur. Oedipe lui-même se dit "sacré"  : c'est son destin propre que d'être ainsi condamné (par les dieux?) à outrepasser les limites ordinaires, à franchir "les portes d'airain", attirant sur sa tête les foudres, mais aussi, à certaines conditions, les plus hautes faveurs, comme ici, de procurer à la ville d'Athènes les meilleures grâces à venir. Remarquons l'ambivalence du "sacré" - objet de crainte superstitieuse, et signe de la faveur divine. Le malheur d'Oedipe, son destin de misère, est l'envers de sa plus haute destination. 

Il y a, dans ce texte, quelque chose qui nous émeut bien plus, plus décisivement, que dans le trop célèbre "Oedipe-roi" : le dénuement du vieil homme, sa faiblesse, mais son irréductible courage aussi, sa certitude de la mort proche, son consentement sans réserve au destin. Il touche au but - quel but ? Faut-il penser, avec Schopenhauer, que "le résultat proprement dit de la vie est la mort?" Cela est incontestablement vrai pour l'individu, que rien ni personne ne sauvera. Mais aussi, Oedipe est le porteur d'un message, qui venu d'Apollon, est destiné aux Athéniens. Cette destination est la raison d'être de la pièce, et peut-être de l'existence d'Oedipe lui-même. - Savons-nous donc quel est le message que nous portons, et qui nous porte, car il nous porte aussi sûrement que la vie nous porte, cette vie autre, faite de mots et de symboles, aussi décisive, pour l'homme, que l'instinct ou la pulsion, qui à eux seuls ne nous confèrent que vie végétative. Le problème, c'est que cette parole qui nous constitue, nous est souvent obscure et inconnue à nous-mêmes, et qu'il faille des circonstances exceptionnelles pour qu'elles se révèlent en vérité.

A suivre...

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Commentaires
J
Pauvre Œdipe, il a eu une existence bien malheureuse... Tout d'abord, l'Oracle avait prédit qu'il tuerait son père. Pour cette raison, on l'éloigna de Thèbes jusqu'à l'âge de 20 ans. Il y fut mis en nourrice puis éduqué. Mais, il passa tout ce temps avec les pieds entravés comme un bagnard, on peut donc considérer qu'il ne possédait pas de véritable nom, Œdipe signifiant "Pieds enflés".<br /> <br /> <br /> <br /> Lorsqu'il eut l'autorisation de revenir à Thèbes, son pays natal, c'est là que ses terribles ennuis commencèrent. Il rencontra d'abord le Sphinx et résolut sa célèbre énigme : "Qui marche sur quatre pieds le matin, sur deux à midi et trois le soir ?". Œdipe répondit qu'il s'agissait de l'être humain. Et, parce que son énigme avait été découverte, le Sphinx se jeta de sa colline dans le vide.<br /> <br /> <br /> <br /> Sur un chemin étroit, il rencontra un homme qui ne voulait pas lui laissé le passage. Il se battirent en duel et Œdipe tua son adversaire. Mais, la prophétie de l'Oracle venait de commencer son œuvre. Sans le savoir, il venait de tuer son père, Laïos et devenant ainsi le roi de Thèbes, ce qui lui permis d'épouser Jocastre, la veuve de Laïos.<br /> <br /> <br /> <br /> Œdipe eut quatre enfants avec Jocastre. Deux garçons, Étéocle et Polynice. Deux filles, Antigone et Ismène. Par la suite, ils auront un rôle important dans la triste vie d’Œdipe. Mais Antigone aura un destin peu glorieux, infligé par son oncle Créon, frère de Jocastre. Toute cette famille maudite par le destin, n'aura que des malheurs. <br /> <br /> <br /> <br /> Sophocle nous rapporte dans "Œdipe-Roi", que Œdipe devait découvrir le meurtrier de son père. C'est ainsi qu'il se rendrait compte qu'il avait commis l'acte incestueux de s'être marié avec sa mère. En l'apprenant, Jocastre se suicida et Œdipe se creva les yeux pour ne plus voir la terrible erreur qu'il avait commise.<br /> <br /> <br /> <br /> Sigmund Freud récupéra cette tragédie de la mythologie, pour en faire ses choux gras dans la triangularité de l'inceste, où un père, une mère et leur enfant sont impliqués. "Œdipe-Roi", "Œdipe à Colone" et "Antigone" sont la trilogie de Sophocle, un peu comme la trilogie de Marcel Pagnol, sauf que Marius n'est pas Œdipe, Fanny n'est pas Antigone et César n'est pas Laïos ! Moi aussi, je dirai à suivre...
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