REVES BLANCS-NOIRS- LIVRE CINQ
LIVRE CINQ- La MARCHE du DESTIN
38
LA MARCHE
Non, tu n'as plus de demeure en ce bas monde
Toi l'errant d'un seul jour aux plaines étales
Tu vas, et sans savoir où, et sans pourquoi
Tu vas, ta marche est ta demeure
Seule digne de l'homme! Sous les soleils
Qui vibrent furieusement, sous les vents
Fous qui trépanent ta carcasse éblouie
Tu vas, la marche est ta demeure!
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Lorsque le bas n'est que bassesse
Il faut sauter, sauter
Franchir le précipice
Où donc est la main secourable?
Peut-être bien qu'à deux
Si toi tu m'aides mon ami
Nous franchirons la Grande Porte
Danserons dans l'Ouvert.
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"Présent d'absence, hélas, au regard de moi-même
Je me délite, je coule, je m'évanouis
De n'être rien qu'un peu dans ces eaux blêmes
D'une coulée inapparente où je me fuis"
41
La saison poussait son calvaire.
Chaque soir, m'endormant, je jurais de ne plus jamais me réveiller. Mon rêve, de fureur, cognait la porte du néant.
La porte restait close.
Je finis par douter de ma rage. Je résolus d'attendre, les yeux rivés sur la mer imbécile.
Cela dura longtemps.
Un soir que je m'étendais, abruti de dégoût, sur ma grève de misère, je vis soudain que vivre et mourir ne font qu'un, tissu de même étoffe. De ce noeud indéchirable je fis mon diadème.
Je n'attends plus. L'été superbe durera.
42
Elles marchent côte à côte, du même pas, vie et mort. Bien fol qui prétend se couper de son ombre!
43
Le chant du désir
Dans les feuilles étonnées
Renverse le monde
Les branches vont à la terre
Les racines dans le ciel.
44
Asseyez- vous paisiblement au bord d'une rivière
Et regardez passer au fil de l'eau
Pensées comme des feuilles mortes
Et disparaître à l'horizon.
45
Sur le damier de l'existence
Tournent les formes et puis s'en vont
Elles grimacent au milieu de la danse
Et font un tour et puis s'en vont
Tout passe, passe et repasse
Ce n'est jamais le même pion
Qui se déplace en cadence
Mais c'est toujours la même danse
Au milieu c'est le trou immense
Qui absorbe les constellations
Et les recrache et les relance
Les fait tourner à l'unisson
Le sage contemple en silence
Les cercles de l'éternité
Et dans les anneaux de la danse
La mobile immobilité.
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Rouge le parc flamboie
De mille feuilles incendiées
Lente la lune orange
Gravit des marches invisibles
Et le soir tétanise
A l'acmé d'une extase muette
A l'apogée du coeur.
47
Ton regard embué de beauté
Aspire le regard intérieur
Qui se mire lui-même en miroir
De toutes les eaux de la terre
Buvant l'espace immense, surnaturel
Où brille le regard des étoiles.
Le front, la bouche, le sourire
Le regard étoilé
Figurent la première image
Premier visage
Ciel-de-terre enchanté, lumineux
Où je puisse habiter!
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L'apogée du coeur c'est le silence,
Il contient tous les univers
De l'intérieur et du dehors
Immense fleur de félicité
Qui ne naît et ne passe jamais.
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RESOLUTION
Poésie, ô maîtresse indomptable et sévère
Ai-je voué ma peine et l'effroi de mon coeur
En vain à débusquer le signe tutélaire
Qui livre l'impossible et comble mon ardeur?
Le ciel est vide, et les dieux morts, et sur la terre
Les choses vont leur cours d'espoir et de rancoeur.
Allons mon âme, il faut laisser le cimetière
Aux cancrelats, le ciel aux oiseaux de malheur.
Mais vivre, vivre enfin mille métamorphoses!
Marcher par les prairies où perle le cristal,
Rafraîchir mon corps nu à la source du val!
Ah goûter les douceurs en tes lèvres encloses,
Pianoter sur ta hanche un bel alexandrin,
Et joindre la nuit douce aux roses du matin!
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Ange, mon Ange, à Saint Jean de Luz, ô lumière
Ne cherche plus, mon coeur, aux sentiers de l'amour
Gué de pierres lissées au reflux de la mer
Et la hutte ombrageuse où se perdra le jour,
Le jour sera la nuit, ta nuit sera mon jour
Inaltérable soit le souvenir d'amour,
Que je sois à jamais l'amant de mon destin
Unique et chatoyant comme feuille éphémère,
Et le mien est sans cause et sans hier ni demain.
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FOUDRE
Cyclone, dis-tu, cyclone et tourbillon
Tout le reste, dis-tu
Est convention.
Tout ce qui est, qui fut et qui sera
Un seul éclair, dis-tu
Le révèlera.
Un seul moment,
Pur-obscur, comme un serment, dis-tu
Abolira le temps
L'avant, l'après le temps,
- Hors-temps, trou du temps.
Tout ce qui est, tout ce qui va, dis-tu
La foudre le gouvernera.
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ORPHIQUES
I
A nous de nous tenir dans l'éclaircie
Du vide. Apre vertu
Vertu du coeur.
II
Très loin de quelque dieu qui nous fourbît
Armes et parangons, tenons fière stature
De n'être que nous-mêmes. Nous saurons
Vivre de rien et mourir insoumis.
III
Les hommes sont comme feuilles
Le temps immense fait la roue
Il faut vivre debout!