Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 491
19 janvier 2009

PYRRHONISME du MOI

C'est volontairement que je tiens à part des autres sytèmes hellénistiques la présentaion des positions pyrhonniennes. En toute rigueur nous n'avons aucun texte ni témoignage avéré de cette position. Mais il est aisé de l'inférer à partir de ce que nous savons par ailleurs.

D'abord, de la formation initiale de Pyrrhon auprès des démocritéens nous pouvons induire ceci : "convention que le moi", ou l'âme, ou l'individu, ou toute notion nominative sur l'idée d'une personnalité séparée. "Il existe des atomes et du vide, et le reste est convention". En ce sens le démocritéisme est sceptique : il se  refuse à prendre position sur des questions "obscures" - non susceptibles d'un examen véritablement rationnel.

Il est vraisemblable que Pyrrhon, lors de son voyage en Asie avec Alexandre, au contact des famauex "sages nus" de l'Inde, ait abandonné la théorie atomistique puisqu'il soutiendra dorénavant qu'aucun discours ne peut se tenir sur la question des "pragmata", des affaires, des choses, des phénomènes en général, qu'ils soient naturels, sociaux ou psychiques. "Immesurables sont les choses, inconnaissables, inaccessibles aux sens comme à la raison". Le sage s'abstiendra de prendre position sur les "choses", et notamment sur les questions métaphysiques. Existe-t-il un moi? Une telle question n'est en rien pyrrhonienne.

Utilisons sa méthode, à titre d'examen critique:

Je ne peux dire que le moi existe : je ne vois que multiplicités, processus, changements, humeurs, compositions et décompositions. Où voyez-vous l'unité d'un moi? Où voyez-vous une substance, une identité stable à travers le temps, une constance de fait quand tout change sans cesse?  Le temps de dire "je", ce "je" n'est déjà plus le même. (Pour nous modernes, voire Montaigne, inlassable sur ce point).

Je ne peux pas dire : le moi n'existe pas, puisque je ne sais pas de quoi je parle, je ne puis donc ni affirmer ni nier le moi. Pour autant je consentirai à voir qu'il existe des apparences différentielles qui donnent  l'image flottante de ce que les hommes appellent des réalités, et qui ne sont peut-être que des songes. Mais rien ne me permet de trancher, donc je m'abstiendrai de dire que le moi n'existe pas.

Je ne peux dire à la fois : le moi existe et n'existe pas. Les arguments précédents ne sont en rien dépassés par l'addition de deux messages contradictoires. Ils ne se complètent pas davantage puisqu'ils n'apportent aucun d'élément nouveau qui dépasse l'aporie. Pour les logiciens aristotéliciens je citerai le principe du tiers exclu : A ne peut être à la fois A et non-A ; Mais nous savons que ce dernier argument n'est que de circonstance, et de nature excluvivement polémique : Pyrrhon ne se sent nullement tenu par un prétendu principe qui n'est qu'une invention de logicien mal inspiré)

Je ne peux dire à la fois : le moi n'existe pas et en même temps qu'il n'est pas possible qu'il 'existe pas. Les mêmes arguments que précédemment s'appliquent ici. Inutile de répéter.

Pris dans la quadruple tenaille de l'argumentation la question éclate comme une noix. Et c'est ce que veut Pyrrhon. Que l'on cesse de penser l'impensable, c'est à dire de superpooser des opinions sur l'inconnaissable. Ces pseudo-problèmes ne font qu'assombrir le pur horizon du tout et nous privent de la liberté de contact direct avec le réel. Il est tout à fait remarquable que ces analyses sont à peu près superposables aux réflexions de Bouddha sur la nature du "moi" (atman) et à ses interdictions de s'intéresser aux problèmes métaphysiques. Ce qui compte c'est la souffrance, les causes de la soufrance, le chemin qui mène à la cessation de la souffrance. Le reste est peine perdue.

Pour nous modernes je pense que la question du moi n'est plus de nature métaphysique, sauf pour ceux qui se cramponnent au systèmes religieux et veulent jouir d'une "âme" destinée à la vie éternelle. Mais de ce point je ne discuterai pas : j'en dirai ce que Lacan disait à propos de Dieu : "C'est curieux, ce problème n'a aucun sens pour moi".

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
153 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité