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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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16 novembre 2023

Des aléas de l'édition : journal du 16 novembre 2023

 

Ce serait merveilleux si je pouvais me passer d'internet pour écrire, mais pour cela il eût fallu que je rencontre un éditeur qui veuille bien me publier - car enfin pourquoi prendre la peine d'écrire, et d'écrire convenablement, si ce n'est pour être lu, pour faire connaître quelques aspects inédits de la réalité à des lecteurs désireux d'avancer dans la pensée ? J'avais longtemps écrit en solitaire, d'une écriture privée, noircissant force pages de cahiers, lesquels sont entassés dans un recoin de ma bibliothèque sans que je ne les ouvre jamais. Ce sont lettres mortes qui ne sauraient intéresser personne - d'ailleurs je ferais bien de les brûler ! Puis un jour je décidai que ce type d'écriture, qui convenait peut-être à une recherche exclusivement personnelle, ne pouvait être satisfaisante si je voulais témoigner d'une vérité plus haute, exprimée dans une langue claire, concise, à vocation universelle. Et donc me doter en quelque sorte d'un interlocuteur virtuel, omniprésent, ami et juge, qui recevrait mes textes et quelquefois y répondrait.

Ce fut pour moi une sorte de révolution. Je n'étais plus seul, psychiquement seul. Dorénavant je savais que j'écrivais pour un Autre, ou sous l'impulsion d'un Autre. Je délaissais le papier et l'encre pour le clavier d'une machine à écrire. Ce n'est pas indifférent, et j'ai tendance à penser que dans ces nouvelles conditions, matérielles et psychiques, l'écriture elle-même se modifie : on ne peut sans se déjuger écrire mollement, paresseusement, quand le texte rédigé apparaît sur l'écran avec une netteté impitoyable. Toutes les négligences, toutes les erreurs s'affichent, et l'Autre qui est là quelque part dans la psyché ne saurait tolérer ce manque de goût, cette désinvolture. Armé de ces simples préceptes je me mis à la composition de mon premier ouvrage : "La passion du vide" dans lequel je mettais une intégrale véracité. Hélas je ne trouvais pas d'éditeur, du moins de quelque notoriété, et je dus me rabattre sur L'Harmattan, qui est certes une maison honorable, mais confinée dans les publications universitaires, et qui ne fait rien, il faut le dire, pour assurer une promotion de l'ouvrage, sans laquelle les livres édités finissent au pilon. C'est ce qui arriva au mien, dont à peu près personne n'a jamais entendu parler.

Mon second livre "Le syndrome d'Osiris" connut exactement le même sort. Mais je ne me décourageai point. Je rédigeai encore "Philosophie du borderline" puis "Philosophie de la non-pensée" pour lesquels même L'Harmattan se déroba. Pour moi les quatre livres formaient une série logique, une sorte de quartet musical sur un nombre limité de thèmes, soigneusement entrelacés. Quoi qu'il en soit l'affaire avait pitoyablement échoué, et là, pour de bon j'étais désolé, découragé, meurtri. Car enfin il se publie à tour de bras des ouvrages souvent médiocres, qui se vendent, au détriment de bons livres qui ne se vendent pas, et j'avais quelque raison, par le chien, d'estimer que les miens en valaient bien d'autres dont on faisait grand tapage !

J'en étais là dans mon acrimonie quand soudain j'eus l'idée d'envoyer promener tous les éditeurs de France et de Navarre, de me publier moi-même en créant un blog - celui-là même que vous lisez en ce moment. Ce fut un moment extraordinaire : je voyais la solution définitive à tous mes déboires, je gagnais une liberté d'expression que je n'avais jamais connue, je ne dépendais de personne, je pouvais écrire tout mon saoûl, dans tous les genres, poésie, philosophie, roman, critique, biographie etc, en espérant toucher, intéresser des lecteurs, si possible aussi libres et passionnés que moi. Eh bien, totalement inconnu du public, sans publicité,  sans annonces particulières, sans tintamarre, mon blog vivait, s'enrichissait, un lectorat se constituait, qui m'a suivi sans coup férir toutes ces quinze années de publication, pour atteindre un niveau de consultation plus que significatif. Pensez donc, un blog de philosophie ! Qui l'eût cru ? Je ne remercierai jamais assez ces lecteurs, presque tous inconnus de moi, qui attendent mes articles, les lisent, parfois les commentent, la plupart du temps avec aménité, bienveillance et sympathie.

Je me dis, à titre de revanche - nul n'est parfait - qu'un auteur qui fait ses preuves sur internet aurait quand même pu et dû être honorablement publié dans une honable maison d'édition ! Que voulez-vous, je suis un homme du livre pour qui le recours aux formes contemporaines de publication reste en dépit de tout une marque d'échec. Tous les grands livres sont des univers autosuffisants, comme le De natura rerum de Lucrèce ou les Essais de Montaigne : on n'a jamis fini de percourir leurs landes et leurs sous-bois, ils n'ont jamais fini de nous surprendre, de nous enchanter, de nous bouleverser.

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Commentaires
Z
Difficile d'ëtre publié si ce n'est pas commercial, les éditeurs veulent d'abord vendre. Il faudrait de préférence écrire des romans politiquement correct et avoir de bons amis dans le milieu, ce qui ne marche pas trop avec la vraie philosophie et notre époque décadente.
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