Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 816
12 janvier 2023

PAGANISME (2)

 

Evoquant le paganisme, ma langue a fourché, et voilà que je parle de pagaillisme ! La joyeuse pagaille des cortèges de Dionysos, les bosquets sacrés peuplés d'hétaïres, et, avec Empédocle, "le gazon fendu d'Aphrodite, donneuse de vie". Clément Rosset, en veine bacchique, soutenait, au sujet du monde comme il va, que c'est "le bordel". Otez à ce terme son caractère négatif, vous obtenez une juste appréciation des choses. Pagaille, désordre, carnaval, bordel, confusion, embrouillamini, ou comme disait notre Michel, "branloire pérenne" - nous voici pleinement et richement dans l'univers mental du pyrrhonisme antique. "Tout est rempli d'irrégularité et d'embrouillamini". (Enésidème)

On a cru, voici deux ou trois siècles, que la nature était réglée de manière stricte, que les événements se déroulaient comme du papaier à musique, répétitifs et prévisibles, et voici qu'on nous invite à penser un univers qui aurait surgi du chaos, qui se développe, multiplie les inventions, crée et détruit, se dilate, et meurt. Que voilà un joyeux désordre car si en un lieu on repère des constantes, ailleurs les choses se font de manière spontanée, innovante, incompréhensible. Nous butinons un pauvre petit lopin de terre et nous nous figurons envelopper l'univers entier dans le maillage laborieux de nos concepts. Mais la nature est artiste, elle ne nous livre pas ses recettes. Nous n'y trouverons ni règle universelle, ni modèle, ni divinité, ni finalité.

Les Anciens croyaient que les dieux se moquent de nous, c'est le sens de la fameuse formule homérique : "le rire inextinguible des dieux" que déchaîne le spectable des turpitudes humaines. Quelle est, par exemple,  cette cohorte ridicule de soudards échevelés qui s'échinent à conquérir une méchante place forte pour ramener chez elle une épouse infidèle, "une chienne" coupable de lubricité ? Tant de morts pour un ventre de femme ? - Nous savons un peu mieux aujourd'hui que les dieux sont les fantômes de nos exagérations, et que la nature, de même, à qui on a voulu prêter une intention, un plan, une finalité, ne veut rien, étant tout simplement ce qu'elle est, indifférente, qui nous jette dans une existence risquée qu'elle va reprendre au plus vite.

Le caractère distinctif du paganisme n'est pas la croyance à des divinités multiples. C'est plutôt cette idée, insupportable aux dévots de tout poil, que l'on ne saurait trouver de sens, ni dans la nature, ni dans les dieux, que la Providence ou le Destin ne sont que des projections anthropomorphes, qu'en vérité l'homme se tient hors-sens, dans le non-savoir, le hasard et l'imprévisible, condamné à risquer une vie dès l'abord rongée par la conscience de la mort. Voilà ce que ne supportaient pas les bons Pères de l'Eglise, qui vomissaient Epicure. Quant à Spinoza, les Rabbins déchainés contre l'hérétique, décrétaient : "Voici Spinoza, crachez sur sa tombe !".

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
154 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité