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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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28 décembre 2022

FRANC-TIREUR

 

Franc-tireur - qui donc est-il, celui qui se dit "franc" et dont beaucoup disent qu'il est "franc" ? Etre franc, originellement, c'est être libre, sans tutelle ni sujétion, libre d'agir et de parler. Le franc-tireur ne se laisse pas enrôler dans les escadrons du prince, ni les cohortes de l'évêque. Toujours il s'échappe, se glisse par les mailles du filet, file vers les champs ouverts ou la forêt profonde. Il file mais ne fuit pas : lui aussi est un guerrier, mais selon son propre mode, loin des combats convenus, stériles et répétitifs. Ce n'est pas un déserteur, ni un transfuge, ni un espion, et pas davantage un compagnon, un mercenaire. Simplement il ne se définit pas par rapport aux forces conventionnelles, ou secrètes. Leur guerre n'est pas la sienne. Si d'aventure il soutient tel camp ou tel autre, ce n'est jamais un ralliement, encore moins une inféodation, mais une rencontre d'occasion, qui ne saurait durer. Par essence c'est un solitaire, mais qui ne dédaigne pas la compagnie, dès lors qu'il s'agit de "tirer" quelque mauvais drôle, le métaphysicien par exemple, ferblantier de l'idéal, contempteur de la terre, contrebandier, faux monnayeur. Ou le moraliste, ou l'apologétiste, valets des pouvoirs, pourvoyeurs de prébande.

C'est une saine agressivité, celle qui dénonce l'intolérable et les marchands de l'intolérable. Héraclite, prenant ses distances avec Ephèse, sa ville natale, et déclamant : "Il serait à propos, pour les Ephésiens adultes, de se pendre tous et de laisser la cité aux enfants !" Que ne dirait-il aujourd'hui de nos incapables au pouvoir, crispés sur leurs modèles éculés, leurs médiocres ambitions tribales, inaptes à saisir le mouvement irréversible du monde.

J'aime le penseur libre qui ne s'en laisse pas accroire, qui sait dire non, se détourner, et tracer sa route, celle que nul n'a explorée, qui monte et qui descend, mais toujours de surface, route amoureuse de la terre, inépuisable ! Voyez Pyrrhon : "Il faisait retraite et vivait en solitaire....Souvent il partait en voyage, sans prévenir personne, et il s'en allait rouler sa bosse avec des compagnons de hasard" (DL IX, 63) - Route qui ne se définit par aucun but, aucun objectif, aucune raison, mais qui vaut par elle même et pour elle même, comme les fleurs de la terre. 

Et de même pour le poème, le récit, le roman, l'essai, autres fleurs de nature, dont le but apparent, la cause factuelle, n'est que prétexte pour écrire, stimuler l'esprit, ravir l'imagination, faire rêver et penser. En dernière analyse il n'existe aucun but qui tienne sous l'aplomb final de la mort, qui égalise tout, qui ruine le sens, celui-là même qui nous faisait penser et écrire, ramenant nos grandioses entreprises à la maigre mesure du futile.

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