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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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29 octobre 2021

ESPOIR ET INESPOIR II

 

                     "N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde" (Malherbe)

Ce que propose le poète dans ce psaume c'est un détournement : quitter le monde et ses pompes qui ne sont que chimères, rentrer en soi-même pour y chercher le souverain bien. Conformément à la tradition il recommande de revenir à Dieu, source de toute lumière et de tout bien véritable. Pour un mécréant comme moi que peut bien signifier ce détournement si je suis étranger à toute foi, rétif à toutes les doctrines, sceptique à l'égard du bien, et nommément du souverain bien ?

J'ai posé hier le principe de l'inespoir. Concrètement, qu'est à dire ? C'est par exemple la conviction, fondée sur l'observation, qu'il n'y a jamais de progrès qui ne soit compensé par une déperdition. Ce qu'on gagne d'un côté on le perd de l'autre, si bien que la marche de l'Histoire n'est nullement une ascension régulière vers le mieux, sans être pour autant une dégradation régulière vers le pire. J'y vois plutôt un grand désordre, tantôt du mieux, tantôt des chutes lamentables, ou pour parler comme les Pyrrhoniens, "irrégularité et embrouillamini". Pour autant on peut bien lutter pour sauvegarder le peu de liberté qui nous reste, mais il est sot d'espérer un quelconque paradis, ni dans les cieux ni sur la terre.

Ce qu'enseigne l'expérience c'est que les choses ne s'arrangent jamais. Il y a toujours un élément qui manque, ou qui est en trop - comme dans ces films qui présentent un crime parfait, que vient faire échouer un tout petit détail, une montre sur la cheminée, une tache sur le lit - Les choses ne s'arrangent pas parce qu'il n'existe que des processus, des rapports de processus qui ne font jamais un tout, qui ne se bouclent pas sur eux-mêmes, qui continuent d'évoluer, de modifier les rapports, sans qu'il n'y ait jamais de totalisation, de complétude définitive et de fin. Les choses vont selon l'ordre du temps qui est aussi l'ordre de la nécessité.

Mirages de l'amour : elle est tout pour moi, je suis tout pour elle. Pour combien de temps ? Après quelques mois se réinstallent la routine, la banalité des jours, l'ennui des nuits. Où donc est la passion qui promettait l'impossible ?

L'inespoir est la disposition d'un esprit qui prend acte de la fugitivité universelle et qui accepte de renoncer à ces chimères d'achèvement et de perfection. Ce n'est pas facile tant notre esprit est conditionné par l'imaginaire, lui même façonné par nos désirs. A la fascination de l'Un et du Tout notre sagesse, humble et profane, opposera la résolution du Pas-Tout. Les totalités rêvées, inaccessibles et mortifères, nous les déboulonnerons au son du clairon : le gai savoir de l'inespoir.

                        

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Commentaires
J
Cher Monsieur Guy Karl. Vos deux derniers textes (Espoir/Inespoir) m’ont beaucoup intéressé tout comme les autres du reste depuis de nombreuses années.<br /> <br /> <br /> <br /> André Comte-Sponville titrait, il y a longtemps déjà, un petit opuscule consacré à Svâmi Prajnânpad : « De l’autre côté du désespoir ». Entendez, bien sur, de l’autre côté de l’espoir et du désespoir ! N’est-ce pas la même chose que l’inespoir ? <br /> <br /> <br /> <br /> Certes, votre pensée s’écarte de la sienne (celle de Prajnânpad) à bien des égards mais on retrouve dans vos écrits assez souvent des accents bouddhiques : chez vous la fugitivité universelle ou l’impermanence, chez lui « tout ce qui vient s’en va, rien n’est stable ». Il y aurait encore bien d’autres rapprochements à faire.<br /> <br /> <br /> <br /> L’acceptation du réel est chez lui le fond de sa pensée et de sa pratique thérapeutique. Son refus est la source de tous nos maux (ou presque). Ne retrouve t’on pas là aussi Clément Rosset que vous avez aussi cité dans le passé ?<br /> <br /> <br /> <br /> Quant au chemin pour y parvenir (à l’acceptation) c’est une autre histoire ! C’était en tout le sien.<br /> <br /> <br /> <br /> Bien à vous et merci pour tous vos textes vivifiants.<br /> <br /> <br /> <br /> Jean-Luc Smets
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X
Il y a beaucoup d'illusions à perdre. Chez Joseph Conrad on attend, en vain, l'existence d'une connaissance transcendantale qui nous serait révélé à la fin.<br /> <br /> Reste alors la descente vers le Néant, un cadeau quand on y pense et qu'on est assez fort pour le supporter en en voir la beauté.
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