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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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3 mars 2020

DE LA CASTRATION SYMBOLIQUE

 

"Castration" ! Ah le vilain mot ! Et pourquoi pas la question, l'équarrissage, la pendaison, la noyade, l'écorchage, l'estrapade, l'énucléation, le pal, et mille autres joyeusetés qui faisaient les délices de la "Justice" médiévale, et bien sûr de la Très Sainte Inquisition, la bien nommée qui se faisait fort d'extirper les racines de l'incroyance, de la diablerie, de la sorcellerie, pour la plus haute gloire de Dieu. - Etrange raisonnement : en quoi un dieu parfait à tous égards aurait-il besoin qu'on le loue, qu'on s'évertue pour sa plus haute gloire ? Si Dieu est vraiment Dieu il n'a que faire de nos louanges comme de nos récriminations.

Mais baste, venons-en à notre propos. Pourquoi parler de castration ? Le thème est promu par la psychanalyse pour signifier une opération symbolique, et non point réelle, on s'en doute. De quoi s'agit-il ? Il faut partir de l'illusion native que le sujet élabore pour supporter la détresse originelle, construisant une image de puissance illimitée, laquelle peut parfaitement cohabiter avec l'expérience, qui enseigne pourtant en toute chose la limitation : épreuve de réalité, souvent douloureuse, humiliante pour les prétentions du moi. D'une certaine manière on peut estimer que dans la psyché il y a quelque chose "en trop", un trop de prétention, qui alimente un désir impossible à satisfaire, enchassant le sujet dans une souffrance infinie, d'autant plus pernicieuse que sa source échappe à la conscience.

Il me semble que la "castration" est l'épreuve d'une triple déception, qui inaugure, en principe, un triple renoncement. La puissance d'abord, dont le sujet découvre la limite, puissance relative, inscrite dans les limites du corps propre et de la réalité environnante. Puis : Le savoir. Et : La jouissance. On voit bien comment ces limitations s'opposent au fantasme, dans lequel rien n'est impossible.

Entendant les philosophes parler des mondes innombrables, Alexandre aurait fondu en larmes en déclarant : "Que de mondes, hélas, que je ne pourrai conquérir".

Toute la question est de savoir comment s'y prendre pour amener un sujet à assumer ce "Pas-Tout" en quoi réside finalement toute cette affaire. Voyez chez La Fontaine, qui présente deux pratiques opposées. D'abord le jardinier :

            "Son bonheur consistait aux beautés d'un jardin.

            Le Scythe l'y trouva, qui la serpe à la main

            De ses arbres à fruits retranchait l'inutile,

            Ebranchait, émondait, ôtait ceci, cela,

            Corrigeant partout la nature".

Notre Scythe s'étonne : lui ne fait rien, laissant faire. Tout pousse de travers. Tout fourmille et buissonne. Le jardinier intervient, certes il respecte l'ordre de la nature, mais il corrige, coupe l'inutile, éduque en souplesse, sélectionnant le rapport juste et beau de la nature et de l'art. Aristote : "l'art mène à terme ce que la nature est incapable d'achever". On ne peut laisser l'homme, pas plus que les plantes, s'ébrouer et se perdre dans le chaos d'une nature indocile.

Mais le Scythe comprend mal, et le voilà , qui : 

            "Prend la serpe à son tour, coupe et taille à toute heure

            Conseille à ses voisins, prescrit à ses amis

                     Un universel abatis".

On devine la suite : "Tout languit et tout meurt". Pour la Fontaine l'affaire est claire : le Scythe c'est le barbare, qui se muant en stoïcien, passe de la sauvagerie de nature à la discipline castratrice, confondant les ordres et ruinant toute l'énergie originelle. Le sage jardinier c'est l'épicurien qui distingue l'excès de l'utile, régule les impulsions vitales dans un ordre harmonieux. Couper sans détruire, tout est là. Couper pour favoriser la pousse, redresser l'élan, assouplir et harmoniser. Cultiver.

Tout cela, cher lecteur, pour donner une image cohérente de la "castration symbolique", et plus largement du processus d'individuation.

 

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"Entendant les philosophes parler des mondes innombrables, Alexandre aurait fondu en larmes en déclarant : "Que de mondes, hélas, que je ne pourrai conquérir".<br /> <br /> <br /> <br /> Oui, il y a des limites humaines même si on peut aller très loin et Alexandre l'a montré. Néammoins la castration symbolique nous montre le vrai problème, notre insatisfaction permanente, le fameux dukkha bouddhiste qui est le véritable et l'ultime défi de l'homme. A quoi sert de courir, de faire le tour du monde ou de traverser l'univers si on arrive pas à être satisfait sans le moment présent.
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