Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 766
28 septembre 2015

REPONSE : fantasme et liberté

 

Avant de répondre à la question : "un fantasme reconnu comme tel est-il encore un fantasme ?" il faut examiner le point suivant : est-il possible de reconnaître un fantasme comme tel ? La réponse est plus difficile qu'il n'y paraît, parce que, si chacun connaît bien l'efflorescence automatique des fantasmes qui proliférent dès que l'attention se relâche (rêveries, associations d'images, divagations de toutes sortes), il en va tout autrement de la source - inconsciente - des fantasmes, lesquels se rattachent en principe à un fantasme fondamental, dont le sujet ne sait rien, inaperçu, inapparent, agissant en sous-main, organisant la vie psychique d'une manière d'autant plus impérieuse qu'elle demeure insue. C'est une sorte de boîte noire, pilotant à vue, dont la logique est quasi impénétrable. Ce qu'on peut remarquer, par contre, avec une certaine pertinence, c'est la répétition dans nos conduites, qui devrait nous mettre sur la piste, si toutefois nous pouvons admettre que l'intelligence, fort avisée par ailleurs dans le champ des réalisations sociales ou autres, n'a pas la maîtrise de nos pensées : pensées viennent, pensées passent, on ne sait d'où ni vers où, sauf qu'elle nous agaçent, nous titillent, et conspirent à nous déposséder de notre illusoire maîtrise. La répétition est la voie royale qui mène à la dépossession.

Ce constat est plus irritant que libérateur ! Les fantasmes tournent en rond, tourbillonnant autour d'un centre invisible, d'un trou qui ouvre béant sur les profondeurs, et qui pourtant reste bouché ! On connaît les fantasmes, mais non "le" fantasme qui les produit, les entretient, les pérennise. C'est dire qu'il est vain de prétendre en venir à bout, de s'en libérer de manière définitive. Quoi qu'on fasse, ils reviennent, immaîtrisables, inéducables. On peut en conclure qu'ils ont une fonction, qu'ils contribuent en quelque manière à l'équilibre général de la psyché, et que les programmes d'éradication mentale sont une supercherie manifeste.

S'il est avéré que le sujet ne peut être sans fantasme, il ne faudrait pas en conclure qu'il doive tout faire pour les réaliser. Outre que c'est impossible, le réel étant ce qu'il est, ce serait une grave méprise de croire qu'li nous procurerait une réelle satisfaction. Tout ce qu'on peut faire, et ce n'est pas rien, c'est de conquérir une distance psychique, une place à côté, par une dérivation de la conscience, laquelle s'établirait dans une position critique, un exercice du jugement visant à démêler le possible et l'impossible, le périlleux et le désirable, l'imaginaire et le réel. Travail herculéen, jamais fini, toujours cahotant et incertain, mais indispensable.

La psyché humaine, et son équilibre relatif, reposent sur le compromis perpétuel entre deux forces opposées : une disposition fondamentale de caractère hallucinatoire, qui engendre fantasmes, rêves, désir, imagination, illusion et délire, et d'autre part la puissance intellective qui nous permet de prendre la mesure du réel, de construire une représentation sensée, rationnelle, adaptative, puissance qui s'exprime et s'élabore dans une perception exacte, dans la science et la technique appliquées, savoir et pouvoir. Ces deux forces expriment des exigences opposées, mais elles peuvent se combiner : c'est l'oeuvre de la créativité, laquelle s'appuie sur la puissance du désir mais passe un contrat avec la réalité, pour la modifier. Si je veux construire un pont je dois connaître le terrain et la vertu des matériaux. Sans quoi le pont ne sera qu'une projection dans le vide. 

Peut-on connaître le fantasme ? Je ne crois pas, si toutefois par connaissance on entend une exploration intégrale qui saisit le fond autant que la forme. Peut-on le reconnaître ? Oui, si l'on est attentif et lucide. Le fantasme reconnu comme tel reste-il un fantasme ? Oui, car sa source est inépuisable. Une fois reconnu perd-il de sa puissance d'aliénation ? Oui, au prix d'une discipine psychique et de la constitution d'un principe intérieur de jugement et de résolution. Quant à prétendre le réduire à néant et s'en rendre maître c'est impossible.

Ce développement a le mérite, à mon sens, de bien situer la nature, le pouvoir et les limites de ce que nous nommons liberté. Rêver d'une liberté illimitée est encore un fantasme, si par là on néglige la puissance imparable du réel (le roc du réel, pendant du roc de la castration symbolique). Déclarer que l'on ne peut rien, qu'il faut suivre ses fantasmes puisqu'ils sont tout-puissants, c'est abdiquer. Reste, comme toujours, une voie tierce, qui n'est pas la molle voie moyenne, mais une trouée et un passage à la puisssance supérieure : l'artiste, et le poète connaissent bien ce chemin abrupt, celui de la symbolisation créative.

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
154 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité