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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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17 juin 2019

PRIMAUTE DU REEL : réel, symbolique,imaginaire

 

De Lacan on retiendra surtout, en sus de quelques formules saillantes ("il n'y a pas de rapport sexuel" ou "La femme n'existe pas" etc), la distinction fort utile des trois registres, le symbolique, l'imaginaire et le réel (SIR). Dans la première époque - structuraliste - Lacan privilégie le symbolique pour mettre en évidence le rôle des déterminations de l'inconscient. L'attention se porte sur les effets de langage. Comment le sujet, pris dans les rêts des signifiants qui vienent de l'Autre, peut-il s'y retrouver dans sa propre histoire pour advenir comme sujet de sa propre parole ?

Dans sa dernière période Lacan mettra au premier plan le réel, tout en insistant sur la nécessaire liaison des trois registres. Ce déplacement de l'attention mérite réflexion. Le réel, qui apparaissait jadis comme un reste de la structure, ce quelque chose qui échappe aux prises du symbolique et constitue le glissement interminable de l'imaginaire, le réel est à placer en première place, selon la nouvelle écriture : RSI.

On peut estimer, avec quelque vraisemblance, que le symbolique et l'imaginaire se constituent dès lors en opposition au réel, dont on dira à la manière des Anciens qu'"il était, qu'il est et qu'il sera" : hors temps (les processus inconscients sont intemporels), hors langage, hors formalisation intelligible, hors connaissance. Encore faut-il préciser : on ne peut le connaître comme tel, mais on peut savoir qu'il existe en quelque sorte comme butée, comme limite de la connaissance. L'être parlant (le parlêtre) est de la sorte confronté à une double détermination, celle du langage (les mots viennent toujours du dehors et nous déterminent à la mesure de notre méconnaissance) et celle du réel, conçu comme cet "impossible", ou cet inconnaissable qu'est le sujet pour lui-même, et qui insiste par delà les formations de l'inconscient. On peut analyser tant qu'on veut les productions signifiantes, vient toujours un moment où l'analyse bute sur l'ininterprétable : un reste si l'on veut du côté de la connaissance, mais un préalable absolu, un antécédent inamovible du côté de l'"être". (j'utilise ce terme à contre-coeur, mais je n'en trouve pas de meilleur).

Si je prends le cas du fantasme j'y verrai d'abord une profusion de l'imaginaire : un scénario, une action, des personnages, une émotion etc. En seconde lecture je tente de reprendre ces éléments, comme pour un rêve, de les articuler, de dégager une structure. Par exemple considérer les fantasmes sexuels comme des variations imaginaires sur le canevas fondamental de la scène primitive. Soit : mais alors la pensée s'affole, pourquoi ? Parce que la scène primitive est une représentation impossible - toujours ratée - de ma propre conception : je ne peux être le contemporain de ma conception parce qu'il faudrait à la fois être, pour voir la conception, et ne pas être, puisque je ne suis pas encore. En un mot je ne peux concevoir ma propre origine, je ne peux que la fantasmer. Et pourtant cela insiste - péniblement, ou jouissivement - dans l'effort pour résoudre cette énigme. L'énigme est la mise en scène, en images et en paroles, d'un réel comme tel insaisssable. C'est la définition judicieuse d'Aristote : " le concept d'énigme c'est dire des choses réelles en les reliant à des choses impossibles". - On remarquera en sus que faire cette analyse du fantasme, pourtant éclairante et signifiante, n'en réduira sans doute pas la résurgence. Chacun peut constater en lui-même que les fantasmes ne s'éliminent jamais. Tout au plus peuvent-ils changer parfois d'apparence ou d'intensité.

Mais alors ce réel, qu'est-il donc ? Qu'est ce qui est donc capable de résister à toute analyse, de se dérober au travail de la symbolisation ? Je me demande si par ce biais nous ne revenons pas aux premières leçons de Freud, lorsqu'il définit la pulsion comme concept-limite entre le somatique et le psychique : un réel du corps pulsionnel, corps de tension et de détente, corps de jouissance. Energie indifférenciée qui se différencie secondairement selon la croissance organique et la normativation éducative, tantôt force de liaison, tantôt force de déliaison, mais toujours active jusque dans les retournements passifs, contenue tantôt par la puissance répressive, et tantôt déchaînée. Freud avait vu que la culture (le symbolique et l'imaginaire liés) s'édifie contre le risque du déchaînement de la sexualité et de la violence, ou pour le dire autrement, que le réel n'est pas du tout un reste, ou un déchet, mais, dans un retournement spectaculaire, l'élément fondamental, la donnée principielle contre laquelle s'édifie et se soutient la culture.

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