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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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17 février 2014

Un MODELE : la STRUCTURE CLOSE-OUVERTE

 

 

Considérée sous l'angle strictement physique la nature offre l'image spéculative d'un éparpillement maximal, d'une dissémination infinie : infinité des atomes dispersés dans le vide infini, et dans cette dispersion, de ci de là, quelques structures corporelles éphémères, des quasi mondes comme sont les galaxies ou les constellations, structures instables vouées à l'éparpillement, alors même que de nouvelles structures peuvent apparaître, "en des temps et des lieux également incertains". Rien qui fasse sens, qui dessine une quelconque finalité, qui puisse inspirer le désir ou l'espoir : la nature est et ne signifie pas.

De ce fond sans fond de l'immensité inconcevable émergent des organisations vivantes : de la physique corpusculaire on passe à la physiologie. L'organisme lutte pour maintenir l'homeostasie, équilibre des fonctions, vécue subjectivement comme plaisir constitutif. De là on déduit la loi fondamentale de la vie : "éviter la douleur, chercher le plaisir", formulation minimale d'une teléologie naturelle qui vaut pour tous les êtres de la nature. L'homme ne fait pas exception, ce qui justifie la formule canonique "vivre selon la nature". De là un modèle théorique et pratique, la structure close-ouverte, celle d'un organisme somatopsychique, et celle du Jardin.

Structure close-ouverte : il faut poser un enclos qui enserre les diverses fonctions physiologiques et psychiques, une peau, enveloppe à double face contenant l'ensemble organisé, mais ouvert, réceptif et émissif, percevant et agissant. Un quasi-monde qui repousse la dissémination (l'univers inanimé) et refuse la fermeture (celle du sphaïros autosuffisant). Ce qui vaut pour l'organisation somatopsychique vaut pour le Jardin : clôture et ouverture, structure ferme et souple à la fois, qui transpose dans le social le modèle vital.

C'est le modèle de la Belle Forme : pour les Grecs la perfection est finie, équilibre et harmonie des contraires. L'infini est repoussé du côté de la physique des particules, de l'indéterminé, du sans forme, de l'abîme (Démocrite), ou de l'Apeiron (Anaximandre). Le rôle des hommes, et de la culture en général, est de fonder un quasi-monde, le monde habité, où il soit possible de vivre. En un sens  le désordre social et politique est à l'image de la violence naturelle, prolongement pathétique des tourbillons et des chocs qui caractérisent l'univers des atomes, et la philosophie cette protestation désespérée, cette exigence sans cesse contrariée de culture et de socialité, dont le Jardin offre le modèle.

C'est dire aussi que si la fin, le telos, l'accomplissement du modèle philosophique est en droit parfaitement accessible, inscrite comme un possible réalisable dans l'organisation même de la nature, il est, dans les faits, indéfiniment reporté. Il y faudrait une conversion fort improbable des hommes dans leur globalité. Aussi seuls quelques individus, de ci de là, parviennent-ils à en réaliser l'esquisse.

Mais l'essentiel, à mon sens, consiste en ceci : le telos, l'accomplissement éthique est possible dès aujourd'hui si l'homme fait effort vers la connaissance. "Essayons de faire que la prochaine étape soit meilleure que la précédente, tant que nous sommes en route ; mais, arrivés au terme, que la joie reste unie". (SV, 48)

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Commentaires
G
Que je disparaisse n'entraîne pas la disparition de la rose du désert, en effet, mais peut-on parler de beauté en dehors d'un rapport entre le sujet et l'objet? Le beau est beau pour un sujet qui contemple et qui s'émeut. Parler d'un beau en soi me semble totalement absurde. Voir là dessus les thèses sceptiques (zététiques!) chez Sextus Empiricus.
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Z
En réfléchissant sur votre texte, monsieur Karl, clos en sa perfection et ouvert dans la clarté de sa vision, je me posais la question de la Beauté. Une fleur belle, une étoile ou une broderie d'étoiles, chacune belle de sa beauté propre, et le visage humain, toujours beau pour l'amour qui le contemple, et l'univers en son entier qui nourrit mon extase quand je sais voir, ont-ils un sens ? la Beauté fait-elle sens pour la contemplatrice amoureuse du Cosmos qui l'a engendrée ? la Beauté est-elle unique ou plurielle comme la vérité ? que serait un monde sans Beauté ? n'a-t-il pas plus de sens quand sa Beauté éclate et fuse en nous, nous ravissant sur place comme pour l'éternité ? et la Beauté de ce que l'on ne peut nommer, définitive comme celle de Simone Signoret, a-t-elle un sens aussi ? n'est-elle que fugitive et illusoire quand je déambule ivre de paix dans les allées secrètes de mon jardin ? la Beauté, enfin, n'est-elle que subjective ? si je disparaissais sur l'heure, la rose du désert cesserait-t-elle d'être belle ?
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