La JOIE UNIE
"Que la joie reste unie " : homolôs euphrainesthai. L'affect qui caractérise l'accomplissement éthique c'est la joie : euphrosunè. La joie est une disposition active, expressive du désir constitutif. S'il est relativement facile de connaître des joies épisodiques, faire de la joie une disposition constante ("unie") est bien plus difficile, mais c'est l'objet propre de la connaissance, son résultat proprement dit. Autrement la philosophie est sans utilité.
C'est le "telos" de l'éthique, son but, son accomplissement, plutôt que le bonheur, si rare, voire inaccessible, apanage des dieux "incorruptibles et bienheureux". Mais la joie est à notre portée, en dépit des revers de fortune, et de la mort elle-même.
C'est la pensée qui préside au travail d'unification, tissant les événements et les affects dans la trame d'une continuité, le continuum psychique, qui vise à réduire les écarts : ni exaltation hypomaniaque en cas de réussite, ni dépression lors des passages difficiles. La constance est le produit de la juste compréhension des causes et des effets, du savoir lucide qui connaît le possible et rejette l'impossible, marquant la juste borne du désir et de l'action.
"Quand il n' y a plus plus de limites il y a des bornes" - si le désir s'en va dans l'impossible c'est le réel qui marque la borne à nos actions, comme on voit pour la jouissance, bornée par les possibilités du corps. L'illimité est hors de prise, hors mesure. Il ne nous concerne en rien, bien qu'existant de quelque manière : c'est le domaine du fondement inaccessible, apeiron, fleuve du devenir, éternité de la nature. Il ne nous concerne en rien mais il est important de le positionner dans la pensée comme l'hétérogène absolu qui porte et emporte toutes choses. Que cette pensée, à son tour, nous délivre de l'espoir et de la crainte!