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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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23 octobre 2012

De la "VRAIE VIE"

 

 

 

 

 

« La vraie vie… ». Mais existe-t-il de fausses vies ? Tout ce qui est vécu, quelle qu’en soient la  nature ou la qualité est, d’une certaine manière, vrai, existant, irréfutable. Le crime est vrai autant que la bonté, et la violence et l’abjection. La vie ne relève pas de la vérité mais de la réalité. Dites à un malfrat qu’il se trompe de vie, il vous rira au nez. Au nom de quoi jugeons-nous le prochain, nous qui ne savons  pas même ce qui nous fait agir. Que le tribunal condamne telle exaction coupable, c’est son rôle, et l’on n’a jamais vu de société sans règles ni sanctions. Mais ne parlons pas de vérité ou d’erreur, cela est d’un tout autre domaine.

Je veux bien que l’on parle de vérité dans les sciences, encore vaudrait-il mieux y parler d’opérativité. Cela marche ou cela ne marche pas, et la vérité n’y est guère. C’est un savoir tout au plus, qui porte sur les objets, non sur les choses, lesquelles nous sont définitivement opaques. La vérité est sans contenu, c’est une case vide, et qui doit rester vide. Aucun savoir ne la peut remplir. Mais sa fonction est essentielle : négative d’abord en ce qu’elle ruine à l’avance toute présomption de savoir absolu, positive ensuite, car elle détermine un champ, une a-topia, un lieu hors lieu, qui préserve la légitimité du non-savoir. A dire vrai cette a-topia n’est pas dans le monde, elle doit être posée et maintenue dans l’esprit : il faut faire sa place au réel et le mieux que l’on puisse faire est de constituer une structure psychique suffisamment souple, avec, au centre, la case vide autour de quoi gravitent nos représentations.

Une structure saturée est une calamité : elle ne permet aucun clinamen, aucune nouveauté, aucune création. Il faut, dans l’esprit même, organiser la double causalité : causalité des causes assignables (foedera fati) et la causalité sans cause des émergences imprévisibles (foedera naturai). C’est par la case vide que transitent les surgissements, les processus innovants, les créations originelles. On pourra toujours, après coup, se mettre en quête de causes et de raisons, reconstruire le filet de la détermination causale, trouver mille raisons à ce qui a surgi, mais c’est toujours trop tard, c’est l’éternel rendez-vous manqué de la cause et de l’effet. On se donne à bon compte un satisfecit par la reconstruction rétroactive, mais l’événement, dans son surgissement, nous ne l’avons nullement prévu.

On ne comprend bien que ce qui est déjà passé, et encore, le comprenons-nous ?

Il n’y a ni de vraie ni de fausse vie, il y a des vies, et encore cette expression est-elle bien suspecte. Parlons plutôt du vivre, qui est la manifestation concrète, sensible, émotionnelle, mentale d’un organisme somatopsychique en situation. Si l’on peut à la rigueur parler de vérité c’est pour souligner, avec mille réserves et suspicions, une éventuelle et problématique congruence, chez le sujet, de ses pensées et de ses paroles aves ses actes. Je suis vrai si je parviens à manifester dans le monde ambiant ma nature propre, à exprimer mes véritables besoins et désirs, et à trouver des occasions favorables au déploiement de mon être. Vérité bien improbable, et difficile  à exprimer et à faire accepter. Pourtant il n’en existe pas d’autre.

Vivre implique sans conteste une monumentale quantité d’erreurs, d’errements, d’errances, tantôt pathétiques, tantôt grotesques, rarement fécondes. Mais il ne faut point en juger trop sévèrement. Ne malmenons pas trop la bête. Vient un âge tendre, qui est plutôt la vieillesse que la jeunesse, où l’on peut apprendre à se ménager, à réduire ses ambitions, à réfréner le fureur de ses idéaux, à relativiser, à se considérer avec bienveillance et douceur, fuyant les enragés de toute farine, les fâcheux et les cancrelats de l’Absolu. La vérité est décidément une notion bien difficile dont il ne faut pas abuser. Hélas on ne peut pas s’en passer tout à fait, sauf à ruiner toute pensée. Devenons économes, en tout domaine, et tout spécialement de grands mots. Nous y gagnerons en rigueur, en modestie – et en vérité.

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Commentaires
C
Un petit clin d' oeil à la lecture de ce beau texte <br /> <br /> <br /> <br /> "Si je pouvais retourner à ma jeunesse , je commettrais les mêmes erreurs de nouveau mais cette fois plus tôt."<br /> <br /> Tallulah Bankhead <br /> <br /> <br /> <br /> Actrice Américaine ,un peu excenrtique des années 30 ,tentée un temps par la spiritualité , mais qui brûla sa "vraie vie" pour sa passion ,à savoir le cinéma .
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