ROUTES d'EXIL : IV, V, VI, VII,VIII
V
Je m’accroche à la beauté.
Hélas que deviendrais-je à repousser son flamboiement solaire
Sa merveilleuse chevelure qui la couvre comme une île
Et le sexe
Indécis, hésitant, de mâle ou de femelle
Tantôt coupé, fendu, aspirant, haletant
Tantôt comme un beau fruit lascivement tendu
Dieu égyptien, entre l’amour et la mort balançant
Le spectre,
Règle de vie, règle de mort !
Oh, quelque chose me submerge, à te suivre, Beauté, de si doux, de si rebelle
Mirage d’un amour impossible
Au delà- en deçà de tous les contraires
O vie d’avant la vie
Lieu mythique d’où surgissent toutes les routes
Qui divergent, qui dévalent, qui tournent, qui font cercle
Qui recommencent.
VI
Eboulements !
La ville craque, de toutes parts la montagne se précipite
Je cours, je n’ai plus de talons, je dévale, je roule
La rivière ouvre sa glace, enfin, je plonge
Sauvé !
Que me veut le destin à précipiter l’heure, en ce lieu de tonnerre et de fange ?
Que l’eau froide m’accueille et les sirènes à la poitrine plate
Et la maison sous la glace, hospitalière et ténébreuse
En attendant le retour du printemps sur la terre.
VII
Toujours
Il faut être ici, en ce lieu seul à la fois, quelles que soient les séductions de l’ailleurs.
Car d’y aller en fait encore, irrémédiablement, l’ici.
Et maintenant de même.
Que valent donc nos routes, ces toiles d’araignées avec, au centre, un faux soleil ?
Tout nous ramène au centre.
Et dans l’œil de la chouette, le noyau dur, incompressible, du néant.
VIII
Par moments
La folie passe dans mes yeux
Je la reconnais
Fille-marâtre
Hôtesse des marais
Et j’ai peur qu’elle m’emporte comme un enfant
Qu’on menace du sac, qu’on jette dans l’étang
Nichée de petits lapins sourds, aveugles, tremblants
Que deviendrai-je au fond de l’étang, les poissons vont me dévorer
C'est cela la folie, assurément
Mais toi
Brise, brise les miroirs
Tu es seul
Sans ombre, sans réplique
Sans double, assurément.